Q: Qu’entend-on concrètement par « Grand port Marseille-Lyon »?
R: Faire un port sur une telle distance, c’est mettre en jeu des stratégies et du foncier et faire travailler ensemble les acteurs partageant cette ambition, pour optimiser la chaîne logistique, sur fond de forte concurrence des ports italiens et espagnols. C’est une question d’attractivité du pays.
Q: Quels sont les flux visés par ce futur grand port?
R: Aujourd’hui sur cet axe, environ 80% du trafic passe par le camion, 15% par le fer et un peu moins de 5% par le fluvial, qui, sans investissement supplémentaire, pourrait quadrupler les volumes transportés. Il s’agit essentiellement de vrac. Chaque année, 1,5 million de conteneurs arrivent à Marseille, et seuls 67.000 passent sur le fleuve jusqu’à Lyon, alors que le volume global pour l’aire métropolitaine lyonnaise est de 400.000. Le problème est là. En 2015, la meilleure année, on a atteint 100.000. Le port de Lyon aurait la capacité d’en absorber 200.000, sans parler des autres ports proches comme Loire-sur-Rhône.
Q: Quel est l’intérêt de développer ce trafic fluvio-maritime?
R: Il y a un intérêt environnemental à la barge. Comparée à la route, on est sur un rapport de 1 à 4 en terme d’émissions de CO2 par tonne transportée. Sans parler de la décongestion de nos métropoles: une barge transporte jusqu’à l’équivalent de 220 camions – 110 sur un train.
Q: Qu’est-ce que Lyon et Marseille ont à gagner?
R: Jusqu’alors, chacun regardait midi à sa porte: Lyon son territoire, Marseille vers la mer. Marseille pourra d’autant plus augmenter ses volumes, s’il vend toutes les solutions permettant à la marchandise de gagner le coeur de l’Europe, via le « hub continental » de Lyon, bien connecté vers l’Italie, l’Allemagne et à un espace économique de premier importance – Auvergne-Rhône-Alpes est la première région industrielle française. Et Lyon pourra d’autant plus profiter de son port avec des bonnes interconnexions sur les terminaux de Marseille.
Q: Quels sont les principaux obstacles?
R: Sur cet espace commun, il y a une multitude de structures juridiques différentes, qu’il faut faire converger: un grand port maritime, celui de Marseille, découlant d’une loi spécifique et dépendant de l’Etat; la Compagnie nationale du Rhône (CNR), sa concessionnaire qui gère les ports intérieurs; Voies navigables de France (VNF) qui est un établissement public administratif; les ports de Sète et Toulon, deux métropoles… En outre, sur l’axe Rhône, 50% des flux arrivent de l’international, par Marseille, et 50% sont juste des trafics à l’intérieur du bassin, qu’il ne faudrait pas mettre en difficulté par une organisation au seul service du maritime. Se pose également la question du foncier: il y en a peu de disponible. Il s’agit d’abord d’avoir une cartographie gérée par tous les opérateurs, puis d’en identifier d’autres pouvant répondre aux besoins d’entreprises souhaitant faire passer leurs flux par l’infrastructure portuaire. Enfin, sur le fonctionnement: il faudrait avoir la même fluidité de trafic que sur le ferroviaire, avec des rotations régulières. Un industriel qui doit attendre une barge 2 ou 3 jours choisira un autre mode. Il faudra aussi des procédures douanières en phase avec la fluidité de la barge.
Q: Quelle place tient le ferroviaire dans ce projet?
R: Depuis Marseille, pour rejoindre le coeur de l’Europe, vous avez besoin du ferroviaire. Car avec le fluvial, vous allez au plus loin jusqu’à Chalon, en Bourgogne. Je ne fais que prôner cette complémentarité d’offre fluvial-ferroviaire. Ce n’est pas une concurrence, ça doit être une complémentarité. Il faut la bonne interconnexion des deux, par exemple, demain, avec le Lyon-Turin, pour que des flux arrivant à Marseille puissent basculer vers le centre de l’Europe