Le transport maritime et ses gigantesques navires représente plus de 80% du volume des échanges mondiaux et ses émissions de gaz à effet de serre ont bondi de 20% en l’espace d’une décennie, sous l’impulsion de la mondialisation de l’économie et de la délocalisation des chaînes de production, souligne la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED)dans son rapport annuel sur le transport maritime.
Le document se concentre sur les moyens équitables de réduire drastiquement le bilan carbone de ce secteur.
– Equilibre –
S’il est urgent de décarboner tout en assurant la croissance économique, « il est essentiel de trouver un équilibre entre la durabilité environnementale, la conformité réglementaire et les exigences économiques pour assurer au transport maritime un avenir prospère, équitable et résilient », souligne la Secrétaire générale de la CNUCED, Rebeca Grynspan.
La facture sera colossale.
La CNUCED estime qu’il faudra 8 à 28 milliards de dollars chaque année pour décarboner les navires d’ici à 2050, et des investissements encore plus importants, allant de 28 à 90 milliards de dollars par an, seront nécessaires pour développer des infrastructures permettant d’utiliser des carburants 100% neutres en carbone d’ici à 2050.
Et qui plus est, la décarbonation complète pourrait augmenter les dépenses annuelles en carburant de 70% à 100%.
Des coûts qui affecteront de manière disproportionnée les petits Etats insulaires en développement (PEID) et les pays les moins avancés (PMA) qui dépendent fortement du transport maritime, souligne la CNUCED.
Elle préconise de mettre en place un système universel qui éviterait « une décarbonation à deux vitesses ».
La CNUCED estime que des taxes ou des contributions « payées en rapport avec les émissions des navires, peuvent encourager à agir, à promouvoir la compétitivité des carburants alternatifs et réduire l’écart de coûts avec les carburants lourds conventionnels », explique Shamika N. Sirimanne, directrice de la technologie et de la logistique.
« Ces fonds pourraient également faciliter les investissements dans les ports des PEID et des PMA, en mettant l’accent sur l’adaptation au changement climatique, les réformes du commerce et des transports, ainsi que sur la connectivité numérique », a-t-elle ajouté.
Pour l’heure, 99% de la flotte mondiale dépend encore des carburants conventionnels. Le rapport note que 21% de navires en commande sont conçus pour les carburants alternatifs.
La flotte mondiale vieillit: au début de 2023, les navires commerciaux avaient en moyenne 22,2 ans, soit deux ans de plus qu’il y a dix ans et plus de la moitié de la flotte mondiale a plus de 15 ans, selon les statistiques compilées par la CNUCED.
Mais « les armateurs sont confrontés au défi du renouvellement de la flotte tout en manquant de clarté sur les carburants alternatifs, les technologies écologiques et les régimes réglementaires nécessaires pour guider les armateurs et les ports ».
Quant aux terminaux portuaires, ils ont les même problèmes pour planifier leurs investissements.
La numérisation du secteur, l’appel à l’intelligence artificielle et la blockchain pourront aussi aider à la transition.
– La guerre en Ukraine –
Plus immédiatement, le secteur a été fortement impacté par la guerre en Ukraine, qui a mis sans dessus dessous une partie du commerce des céréales ou des engrais, mais aussi des hydrocarbures.
A cause de ces perturbations, les distances parcourues par les cargaisons de pétrole ont atteint un niveau record en 2022. Les expéditions de céréales ont parcouru en 2023 une distance « jamais atteinte », les pays importateurs de céréales ayant été contraints de chercher d’autres exportateurs, tels que les Etats-Unis et le Brésil, qui nécessitent des expéditions sur de longues distances.
Pour autant, la CNUCED note la résilience du secteur.
« Malgré une contraction de 0,4% du volume total du commerce maritime en 2022, l’industrie prévoit une croissance de 2,4% en 2023, le commerce conteneurisé (qui a diminué de 3,7% en 2022) devant augmenter de 1,2% en 2023 et de plus de 3% entre 2024 et 2028 ».