La cérémonie, en présence d’Emmanuel Macron, marque la fin de la construction de la tête de série des sous-marins de classe Barracuda, dont 12 exemplaires à propulsion conventionnelle ont été vendus à l’Australie.
Le sous-marin à propulsion nucléaire se trouve actuellement sur son dispositif de mise à l’eau, sorte d’ascenseur à bateau, sur le site de Naval Group. La mise à l’eau proprement dite, avec trois ans de retard, n’aura lieu que fin juillet avant les essais à quai puis en mer et sa livraison à la Marine à Toulon avant l’été 2020.
Les SNA Barracuda remplacent les six sous-marins de classe Rubis entrés en service à partir du début des années 1980. Les trois ans de retard du programme, débuté en 1998, ont conduit à prolonger l’exploitation du Rubis le temps de l’entrée en service du Suffren. Le Saphir, deuxième de la série, doit être retiré du service fin juillet.
« Il y a un vrai saut générationnel. On passe d’une plate-forme de taille extrêmement réduite -environ 2.500 tonnes- au Barracuda qui sera deux fois et demie plus lourd », avec 5.300 tonnes de déplacement en plongée, observe Patrick van den Ende, spécialiste des sous-marins.
« Il a la capacité de se déployer plus loin, plus vite et plus longtemps. On passe de la 207 à la Formule 1 », se félicite le capitaine de vaisseau Bertrand Dumoulin, porte-parole de la Marine.
La facture, initialement évaluée à 7,9 milliards d’euros, s’élève désormais à 9,1 milliards d’euros pour le développement et la construction des six sous-marins, dont le dernier devrait entrer en service en 2030.
– « Base avancée secrète » –
Outre les traditionnelles tâches dévolues aux SNA de chasseur de sous-marin, de protection de bâtiments précieux comme le Charles-de-Gaulle ou les quatre sous-marins porteurs de missiles nucléaires (SNLE), et de recueil du renseignement au plus près de côtes ennemies, les Barracuda auront deux nouvelles missions.
Tout d’abord, la « frappe contre terre » grâce au missile de croisière naval (MdCN) d’une portée de 1.000 km que le Suffren pourra tirer par salve de quatre, ensuite la mise en oeuvre de forces spéciales via un hangar de pont amovible.
« C’est une base avancée secrète et immergée pour les nageurs de combat et leur équipement, dont un mini-sous-marin », explique Bertrand Dumoulin .
Le Suffren pourra naviguer jusqu’à 70 jours en parfaite autonomie (contre 45 pour les Rubis) à 350 mètres de profondeur, selon la Direction générale de l’Armement (DGA).
Autre impératif dans le monde du silence: la discrétion acoustique. « On attend du Suffren une discrétion presque 10 fois (inférieure) par rapport aux sous-marins actuels », selon le capitaine de vaisseau Dumoulin.
Chaque équipement vibratoire est placé sur des berceaux suspensifs. L’intérieur de la coque est même recouvert de liège qui absorbe le bruit des équipements et évite la propagation des sons à l’extérieur.
L’arrivée du Suffren intervient dans un contexte d’augmentation mondiale du nombre de sous-marins (+6% en 5 ans). Il y en aujourd’hui plus de 450. Si les Etats-Unis, la Russie, la Chine et le Royaume-Uni sont les seuls avec la France à être dotés de SNA, de nombreux pays cherchent à renouveler leur flotte conventionnelle (Inde, Australie) et d’autres s’en dotent pour la première fois (Malaisie, Bangladesh, Vietnam).
« En Asie du Sud et du Sud-Est, la menace chinoise incite les Etats à se doter de ces capacités parce qu’elles constituent un excellent moyen de défense, de déni d’accès et de protection des infrastructures stratégiques », explique Patrick van den Ende.
Si ces sous-marins conventionnels, à propulsion diesel-électrique, n’ont pas la même autonomie car obligés de remonter à la surface de temps à autre, ils deviennent « extrêmement performants en termes de discrétion ». Autant de futures menaces pour le Suffren.
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