« La France sera au rendez-vous de ses responsabilités », a annoncé la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, au cours d’un point presse en ligne, faisant suite aux premières annonces d’Emmanuel Macron samedi soir.
Dans un entretien à la presse régionale, M. Macron avait admis que le chalutage de fond, une technique de pêche au filet qui racle le fond de la mer, « vient perturber la biodiversité et des écosystèmes qu’il faut apprendre à protéger ».
Dévoilant la stratégie gouvernementale, la ministre a parlé d’une « accélération sans précédent de la protection forte » du domaine maritime français, le deuxième du monde avec 11 millions de km2.
« D’ici fin 2026, les zones où les fonds marins sont ou seront fortement protégés représenteront 4% des eaux françaises hexagonales (sans l’Outre-mer, ndlr), contre 0,1% aujourd’hui », a-t-elle souligné.
Dans ces zones, toutes les activités « ayant un impact sensible sur les fonds marins », dont le chalutage de fond et l’extraction minière, seront interdites, a-t-elle dit.
Il s’agit selon la ministre de mieux protéger les zones de canyons et coraux profonds, les herbiers, le maërl (algue calcaire, souvent appelée « corail breton ») et autres habitats marins sensibles. Ces zones ont été définies en concertation avec les pêcheurs et les scientifiques.
En prenant en compte l’Outre-mer, les zones sous protection forte doivent atteindre 14,8% du domaine maritime mondial, grâce au renforcement de la protection d’une énorme zone de Polynésie française (900.000 km2), annoncée par le gouvernement local.
– « Très décevant »-
Ces annonces n’ont toutefois pas convaincu les ONG, qui réclament depuis des années l’interdiction de cette technique de pêche décriée. « C’est très décevant », a estimé François Chartier, de Greenpeace.
« Ce qu’ils veulent passer en +protection forte+, ce sont des zones qui ne sont déjà pas chalutées parce que le relief ou la profondeur ne le permettent pas », a-t-il affirmé.
Greenpeace plaide pour une interdiction du chalutage de fond dans l’ensemble des aires marines protégées françaises. A ce jour, 33% des eaux françaises sont couvertes par au moins une AMP, mais la plupart d’entre elles autorisent toutes les pratiques de pêche.
Le chalutage de fond a ainsi été pratiqué pendant 17.000 heures dans les aires marines protégées françaises en 2024, selon un rapport publié en mai par Oceana, qui appelle à bannir la pratique.
« On reste un peu sur notre faim, même si c’est positif sur l’intention de vouloir s’attaquer au problème », a estimé Nicolas Fournier, directeur de campagne chez cette ONG.
« Une zone de protection forte doit impliquer une interdiction totale de la pêche et exclure toutes les pratiques destructrices. En continuant à +adapter+ les règles, la France s’éloigne de ces principes pourtant largement reconnus à l’échelle internationale », a critiqué le WWF dans un communiqué
A l’inverse, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) s’est réjoui que la stratégie du gouvernement prenne « en considération les enjeux des marins-pêcheurs français », défendant des décisions « au cas par cas », selon les zones.
– « Imposture »-
Dans un communiqué diffusé dimanche matin, l’association Bloom avait dénoncé « l’imposture de la politique de protection maritime de la France », évoquant des annonces s’apparentant à un « statu quo ».
Selon les éléments diffusés dimanche, les nouvelles zones interdites au chalut de fond en France hexagonale représenteraient environ 15.000 km2.
Dimanche, le gouvernement britannique a annoncé son intention d’interdire le chalutage dans 41 zones protégées couvrant une superficie de 30.000 km2.
« A ce stade, les Etats présents à Nice vont faire des annonces importantes de nouvelles aires marines protégées qui devraient nous conduire, sur la base des informations que nous détenons, à augmenter le niveau de protection des eaux mondiales de 25 %, et peut-être plus », a affirmé Mme Pannier-Runacher dimanche.
Actuellement, 8,4% de l’océan mondial est placé en aire marine protégée, mais seulement 2,7% est en protection « haute » ou « intégrale » (sans pêche et sans activité extractive).
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