La problématique est « devenue plus grande ces dernières années », reconnaît Ger Scheringa, un responsable des douanes de ce port néerlandais, considéré avec celui d’Anvers (Belgique) comme l’une des principales portes d’entrée de la poudre blanche en Europe.
Un volume record de près de 70 tonnes a été saisi à Rotterdam en 2021, un bond de 74% par rapport à 2020, souligne à l’AFP M. Scheringa, chargé de l’équipe qui récupère la cocaïne interceptée.
Rotterdam était l’un des principaux ports utilisés par le « super cartel » basé à Dubaï qui fournissait à l’Europe environ un tiers de sa cocaïne, dont Europol a annoncé le démantèlement fin novembre.
La drogue est généralement cachée dans des conteneurs et, parfois, sous la ligne de flottaison des navires dans des ouvertures d’où elle est ensuite extraite par des plongeurs.
Définir la raison de l’explosion des saisies est une « question délicate (…) Il semble qu’il y ait beaucoup d’acheteurs en Europe « , explique M. Scheringa. « S’il y a de la demande, elle est livrée ».
De nombreuses mesures ont été prises pour empêcher l’arrivée de la cocaïne, notamment une intensification des contrôles, souligne le Néerlandais.
Mais il ne s’attend pas encore à ce que le record des saisies soit battu à Rotterdam en 2022 et admet « ne pas savoir s’il y a vraiment une solution au problème », tant que la cocaïne sera consommée.
– « Aiguille dans une botte de foin » –
Le maire de Rotterdam Ahmed Aboutaleb a déploré cet été que sa ville se « noie dans la cocaïne », condamnant la violence liée au trafic. Il a suggéré que l’intégralité des conteneurs en provenance d’Amérique latine soient scannés.
M. Scheringa explique cependant que « le plus grand défi est de trouver un équilibre entre la rapidité logistique et contrôler tout ce que vous voulez ».
Les criminels recourent à des procédures minutieuses pour acheminer la drogue au port et la récupérer, dépendant souvent d’informations internes, explique Romilda Schaaf, la spécialiste des drogues de la police portuaire.
Montrant à l’aide de cartes sur son ordinateur la grandeur vertigineuse de son district, où des dizaines de milliers de conteneurs s’empilent et s’alignent sur plusieurs terminaux, elle souligne que localiser la drogue requiert des informations précises.
Il s’agit de « chercher une aiguille dans une botte de foin », dit-elle à l’AFP.
Certains des « preneurs » – souvent des jeunes hommes originaires du sud de Rotterdam, selon les procureurs – passent parfois plusieurs nuits dans des « conteneurs hôtels » équipés de vivres et de couvertures, à proximité de l’endroit où un conteneur renfermant de la cocaïne est attendu.
Ils la déplacent ensuite dans un autre conteneur ayant moins de chances d’être contrôlé.
70 personnes ont été arrêtées dans l’enceinte du port en 2022 pour des délits liés aux stupéfiants, des membres d’organisations criminelles mais aussi des employés des différentes institutions qui y travaillent, selon M. Scheringa.
Le parquet a début décembre arrêté une employée de la douane soupçonnée de corruption et d’avoir été impliquée dans le trafic de drogues dures.
L’activité peut rapporter jusqu’à « 100.000 euros pour les gros +lots+ », souligne M. Scheringa. De l’argent facile, mais « cela ne mène à rien », insiste Mme Schaaf.
« Si vous dites oui une fois, vous ne pouvez plus dire non (…) Ne commencez pas », martèle-t-elle.
– « Camelote » –
Pour faire face au problème, la douane évoque des liaisons avec les pays « sources », d’importantes mesures de sensibilisation à la corruption destinées aux employés ainsi que, bien sûr, des peines plus sévères pour ceux qui se trouvent illégalement dans l’enceinte du port et plus de contrôles.
Ces derniers se déroulent selon une évaluation du risque : certains conteneurs, jugés suspects selon des informations en provenance par exemple de l’étranger, seront scannés, déballés et fouillés à l’aide de chiens.
Certains navires sont également inspectés par des équipes de plongeurs.
L’automatisation de certains terminaux permet également de limiter la corruption, soulignent les responsables.
Un avocat et un célèbre journaliste impliqués dans le procès d’un chef d’une mafia de la drogue ont été assassinés respectivement en 2019 et 2021. Les drames liés au trafic ont choqué les Pays-Bas et convaincu les autorités d’augmenter les moyens consacrés à la lutte antidrogue.
« C’est vraiment l’objectif, s’assurer que les gens puissent être en sécurité et qu’aucun homme politique, avocat ou journaliste spécialisé dans les affaires criminelles ne doive être sous protection renforcée (…) parce que cette camelote entre », souligne Mme Schaaf.