L’annonce de la grâce de celui qui fut un temps considéré comme l’ennemi juré de M. Poutine et le vote la semaine dernière de l’amnistie qui a aussi permis la libération des deux jeunes femmes du groupe contestataire Pussy Riot ont été interprétés comme une volonté du Kremlin d’améliorer l’image de la Russie à l’approche des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.
Le Comité d’enquête de Saint-Pétersbourg a mis fin aux poursuites visant 29 des 30 militants de Greenpeace inculpés après une action dans l’Arctique, en vertu de la loi d’amnistie votée la semaine dernière, a indiqué mercredi Greenpeace.
Le trentième militant, l’Italien Cristian d’Alessandro, devrait se voir signifier jeudi l’abandon des charges à son encontre.
Cette procédure ouvre la voie au départ de Russie « dans les jours à venir » des 26 militants qui ne sont pas Russes. Ils doivent toutefois encore obtenir des visas de sortie du territoire russe.
Par ailleurs, le président de la Cour suprême Viatcheslav Lebedev a demandé un réexamen du premier procès de M. Khodorkovski et de son associé Platon Lebedev, « à la lumière de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme », a déclaré à l’AFP le porte-parole de l’instance judiciaire russe, Pavel Odintsov.
Les deux hommes avaient été condamnés en 2005 à huit ans de camp pour « escroquerie et fraude fiscale », une peine portée à 14 ans à l’issue d’un deuxième procès en 2010 pour « vol de pétrole et blanchiment » de 23,5 milliards de dollars.
Le 25 juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé « inéquitable » le premier procès.
Le président de la Cour suprême a aussi rendu un arrêt ordonnant une révision de leur deuxième procès à la demande des avocats de la défense qui ont réclamé une « annulation » du jugement rendu dans cette affaire au motif qu’il était « illégal ».
« Formellement, cela devrait être réexaminé dans les deux mois à venir, mais je pense que cela pourrait arriver bien avant », a-t-il ajouté.
Cette annonce intervient alors que M. Khodorkovski, qui avait purgé plus de dix ans de prison et devait être libéré en août 2014, a été gracié la semaine dernière par le président Vladimir Poutine, à la surprise générale. Aussitôt après avoir été remis en liberté, il a quitté la Russie pour l’Allemagne.
« Une décision politique »
L’ex-magnat, qui selon nombre d’observateurs a payé pour avoir tenu tête à Vladimir Poutine, montré trop d’indépendance et financé des partis d’opposition, a exclu dans plusieurs interviews de se lancer dans la lutte politique à proprement parler, et de financer l’opposition.
Il a en revanche promis de se consacrer à la défense des prisonniers politiques en Russie, alors que Platon Lebedev est pour l’instant toujours incarcéré.
M. Khodorkovski a salué cette décision. « J’espère vraiment que les procédures bureaucratiques ne seront pas trop longues et permettront à Platon Lebedev de retrouver rapidement la liberté », a-t-il déclaré au quotidien Kommersant.
« C’est bien sûr une décision politique, plutôt que juridique », a estimé de son côté la mère de l’ex-détenu, Marina Khodorkovskaïa, sur Echo de Moscou, disant espérer que les charges qui pèsent encore sur son fils seraient levées.
Bien qu’il ait été gracié, M. Khodorkovski est en effet toujours sous le coup d’une condamnation au civil à payer 550 millions de dollars au fisc russe, prononcée après sa première condamnation en 2005.
C’est la raison pour laquelle il a exclu pour l’heure de rentrer en Russie. S’il le faisait, il pourrait être empêché de ressortir du pays en raison de cette condamnation.
« Sans doute, en cas de décision positive (de la Cour suprême), il rentrera au pays », a encore déclaré à Interfax Mme Khodorkovskaïa.
Une perspective sur laquelle les analystes restent toutefois prudents.
« Les instructions vont traîner, des décisions intermédiaires vont être prises, mais M. Khodorkovski ne rentrera pas tout de suite », a déclaré à l’AFP Nikolaï Petrov, de l’Ecole supérieure d’Economie.
« Un marchandage a lieu. Il doit payer » pour pouvoir rentrer, a-t-il estimé.