A la suite de ce drame, la question de l’immigration sera discutée mardi par les ministres européens des Affaires intérieures à Luxembourg.
Une mer agitée par des vents de force 4 empêchait samedi les plongeurs de poursuivre la récupération des cadavres, dont seulement 111 ont été repêchés, tandis que 155 personnes ont été sauvées.
« Il y a une obligation juridique et morale de récupérer tous les corps. Des centaines de familles attendent des nouvelles », a expliqué à l’AFP Leonardo Ricci, un porte-parole de la police douanière sur l’île.
Parti des côtes libyennes, le bateau clandestin chargé de 450 à 500 migrants, des Erythréens et des Somaliens, a coulé après un incendie accidentel jeudi à l’aube, non loin des côtes de Lampedusa.
Une des hypothèses serait de « remonter l’épave », selon M. Ricci. « Les prochaines immersions (de plongeurs) serviront aussi à voir comment faire ».
L’épave gît à environ 550 mètres de la côte par 40 mètres de fond. « C’est une horreur en bas, des dizaines de corps, peut-être des centaines. Ils sont empilés les uns sur les autres », a témoigné un plongeur.
Il se pourrait que le bilan précis de la tragédie, le pire drame de l’immigration clandestine en Italie depuis un naufrage survenu en 1996 (283 morts), ne puisse jamais être établi.
Selon Ignazio Gibilaro, un autre responsable de la police douanière, « plus le temps passe, moins il est probable qu’on trouve les corps de ceux qui se trouvaient en mer » et qui ont été emportés par les courants.
Quatre chalutiers se sont rendus sur le lieu du naufrage samedi, et une couronne a été lancée au son des sirènes.
Salvatore Martello, président du consortium des pêcheurs, s’est révolté, devant des journalistes de l’AFP, contre le soupçon que des bateaux de pêche aient ignoré les appels de détresse des naufragés.
« Un vrai marin ne laisse jamais personne dans l’eau », a-t-il dit, en rappelant que les pêcheurs de Lampedusa, plus proche de l’Afrique du nord que du reste de la Sicile, « sont habitués à sauver les vies » des migrants.
Le maire de gauche de Rome, Ignazio Marino, a annoncé qu’il accueillerait les 155 rescapés dans la capitale.
Une pétition de l’hebdomadaire L’Espresso pour que le prix Nobel de la paix soit décerné à l’île de Lampedusa a recueilli près de 30.000 signatures.
Rome a demandé à l’Union européenne une plus grande assistance face à un afflux de 30.000 migrants clandestins cette année, quatre fois plus qu’en 2012.
Avec d’autres pays du sud de l’Europe comme la Grèce et l’Espagne, l’Italie estime assumer un fardeau trop lourd, et voudrait aussi plus de coordination pour surveiller les côtes, surtout de Libye et de Tunisie, d’où partent les bateaux clandestins.
Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a appelé samedi les responsables européens à « en parler vite, ensemble ».
L’Italie a demandé que la question de l’immigration soit mise à l’ordre du jour mardi du conseil des ministres européens des Affaires intérieures à Luxembourg, selon une source proche de la présidence lituanienne de l’UE.
« Il y aura un échange de vues sur la solidarité requise, car c’est effectivement le problème et il faut y répondre », a précisé cette source.
La garde côtière italienne a démenti samedi des accusations, portées par des personnes ayant spontanément recueilli des survivants en mer, selon lesquelles elle aurait mis trop longtemps à arriver sur les lieux du naufrage.
La garde côtière assure être arrivée sur place 20 minutes après avoir été alertée, et non 45 minutes ou une heure comme certains le disent.
Elle a aussi nié avoir empêché des particuliers qui avaient recueilli des survivants de repartir en mer après les avoir débarqués sur le port.
La chaîne de télévision italienne TG2 News a diffusé une dramatique vidéo amateur montrant un jeune Erythréen hissé à bord d’un bateau privé après le naufrage.
« Vous devez chercher, sinon 480 personnes vont mourir ! », dit le rescapé, avant de recracher de l’eau de mer et de fondre en larmes.
Le pilote du navire clandestin, parti de Misrata, en Libye, était un Tunisien âgé de 35 ans qui a été arrêté. Il avait déjà été appréhendé par les autorités italiennes en avril après un autre passage clandestin et expulsé vers la Tunisie.
D’après le réseau d’ONG Migreurop à Paris, en vingt ans, 17.000 migrants sont morts en tentant de gagner l’Europe.
Une minute de silence sera observée dimanche à Bergame avant le départ du Tour de Lombardie à la mémoire des victimes du naufrage, ont annoncé les organisateurs de la classique cycliste. Un semblable hommage doit être rendu lors des divers événements sportifs du week-end en Italie.