Le concours Roellinger met les cuisiniers sur la voie de la pêche durable

« Nous demandons aux candidats non seulement d’être bons techniquement mais aussi d’avoir une démarche de citoyens », résume le restaurateur basé à Cancale (Ile-et-Vilaine).

Pour lui, « la mer est le garde-manger de l’humanité, préserver ses ressources est une priorité »: une tâche que la politique européenne de la pêche n’a pas bien rempli jusqu’ici, de nombreuses espèces étant surexploitées. C’est le cas de près de 40% des stocks en Atlantique nord-est et près de 90% en Méditerranée.

Pourtant, certaines espèces en bon état sont moins demandées, voir écartées des menus, alors qu’ils ont des qualités gustatives. « Les Japonais considèrent le chinchard comme le meilleur poisson crû, alors que nous le dédaignons », insiste Olivier Roellinger.

D’où l’idée de l’ONG SeaWeb de sensibiliser les professionnels, bien au delà des pêcheurs: rencontres avec mareyeurs, distributeurs et restaurateurs et diffusion, notamment par internet, d’un « guide des espèces », véritable bible sur l’état des espèces confectionnée avec des scientifiques. « Nous travaillons avec certains chefs mais aussi avec des écoles de formation où l’accueil a été particulièrement chaleureux chez les jeunes, si bien que cela a débouché sur le concours », raconte Elisabeth Vallet, directrice de SeaWeb Europe.

Pour la 3e édition, une dizaine de candidats de moins de 25 ans en formation (du CAP au BTS) vont s’affronter à Dinard (Ile-et-Vilaine) le 2 avril, dans les locaux du lycée hôtelier, et une dizaine de restaurateurs actifs de moins de 35 ans se mesureront à Paris, le 7 avril, dans les murs de l’école Ferrandi.

Les candidats peuvent venir de toute la France, mais ont été sélectionnés sur dossier et ont dû expliqué le choix des produits qu’ils voulaient cuisiner le jour « J »: lieux et techniques de pêche, état des stocks, âge de reproduction, taille adulte, etc.

L’épreuve consiste à préparer un plat gastronomique et, avec le même poisson, une recette plus familiale.

– Le cabillaud victime de son succès –

Emballé par ce concours d’un genre nouveau, qui va s’exporter en Espagne, Olivier Roellinger a accepté de lui donner son nom. En 2009, il avait obtenu que les quelque 500 chefs du réseau international Relais et Châteaux adoptent une charte en faveur de la pêche durable, excluant notamment le thon rouge.

Lors d’une récente rencontre avec la presse, il a expliqué son engagement. « En 30 ans, je me suis aperçu d’un appauvrissement du choix sur les criées: Saint-Pierre, turbots et barbues sont plus difficiles à trouver, surtout les grosses pièces ».

Parallèlement, les Français mettent toujours plus de poisson dans leurs assiettes: de 20 kg dans les années 60, la consommation annuelle est passée à 34 kg aujourd’hui. « Et plus on monte dans les étoiles, plus le poisson est présent », relève Olivier Roellinger.

Pour éviter que des espèces disparaissent – comme cela a été le cas du cabillaud au large du Canada – le chef breton est convaincu du « rôle déterminant » des professionnels, « très prescripteurs en matière de produits de la mer car 50% du poisson est consommé hors foyer ».

Et, poursuit l’ex-trois étoiles au guide Michelin, les goûts ne sont pas figés.

La preuve: « Il y a une vingtaine d’années, Joël Robuchon a mis en avant le cabillaud et l’a fait entrer dans la cour des grands, comme la sole ou le turbot », raconte-t-il. Si bien qu’aujourd’hui, le cabillaud est victime de son succès et la plupart des stocks sont surexploités.

« Le lieu jaune est tout aussi savoureux », rebondit Olivier Roellinger, également grand défenseur du maquereau, « un poisson délicieux sous toutes les formes: crû, grillé, au four, entier ou en filet ».

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