Le quota de pêche du thon rouge relevé, inquiétude des ONG

Réunis à Gênes (Italie), les membres de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta) ont adopté la proposition de l’Union européenne de relever de 20% par an pendant trois ans le quota de prises du thon rouge, dont le stock se reconstitue.

Fixée à 13.500 tonnes pour 2014, l’autorisation passera à 16.142 T en 2015 et 19.296 T en 2016. Le quota pour 2017, établi pour l’instant à 23.155 tonnes, sera réexaminé sur la base d’une réévaluation du stock prévue pour 2016. Le texte adopté souligne la volonté dans l’immédiat de maintenir un quota « en deçà du niveau des estimations les plus prudentes ».

Pour les 49 membres de l’instance (UE + 48 pays dont Japon, Etats-Unis), pris entre enjeux économiques et préservation de la ressource, la pression était forte depuis que son comité scientifique avait annoncé la reconstitution spectaculaire du plus gros stock de thon rouge au monde, formé de poissons évoluant entre la Méditerranée et l’Atlantique Est.

Selon cette étude, le stock de reproducteurs était estimé à 585.000 tonnes en 2013 (150.000 T en 2008). Les scientifiques, ne pouvant cependant préciser si ce stock est reconstitué ou en passe de l’être, ont juste souligné qu’une hausse « progressive et modérée » du quota ne devrait pas remettre en cause le programme de reconstitution prévu sur 15 ans.

« C’est dur pour le WWF de considérer 20% d’augmentation annuelle sur les trois années à venir comme une approche +modérée+. Nous sommes préoccupés à l’idée que les immenses efforts de conservation de ces dernières années puissent disparaître rapidement », a réagi Sergi Tudela, du WWF. Selon lui, « la réunion a été compliquée. Le cas du thon rouge confirme qu’il est parfois plus difficile de gérer un succès qu’une crise ».

« Une hausse de plus de 70% (sur trois ans) n’est ni modérée, ni progressive », souligne l’ONG Pew Environment, regrettant le « pari » fait par la Cicta.

– Discussions serrées –

L’ONG Oceana, qui privilégiait également une approche plus prudente, relève que les nouveaux quotas « restent dans les limites scientifiques », mais dénonce « fermement l’incapacité de la Cicta à gérer le reste des espèces ».

Aucune proposition n’a été formulée en faveur d’une régulation de la pêche à l’espadon dont la situation « ne va pas dans le bon sens », selon les scientifiques.

Pour la 6e année, la Cicta a également rejeté une demande de contrôle accru pour protéger les requins de la pêche visant leurs seuls ailerons. Une décision bloquée par une minorité de pays, emmenée par la Chine et le Japon, souligne Oceana.

« Tout le monde repart un peu mécontent », car « chacun a fait des sacrifices », a expliqué le représentant de la délégation japonaise, Shingo Ota, à l’AFP, relevant que Tokyo aurait souhaité un quota accru de 33% dès la première année.

Le gouvernement français a salué « une hausse progressive » et les pêcheurs ont « pris note même s’ils auraient souhaité une hausse plus prononcée » dès 2015.

Les discussions ont été serrées concernant la répartition du quota (59,2% pour l’UE, suivie du Maroc, Japon, Tunisie, Libye), certains pays méditerranéens réclamant une révision.

La Libye pourra rattraper une part de la pêche non réalisée en 2011, année de guerre, soit 50 T sur trois ans. « Ce n’est pas assez, mais au moins nous voulions cette reconnaissance », a dit son délégué, Arebi Omar Khattali.

L’Algérie, dont le quota avait été réduit en 2010, aura droit à des prises supplémentaires, mais elle est loin de récupérer ses 5% d’avant. « Nous aurions aimé que ce soit l’occasion de solder ce problème, mais c’est un pas non négligeable », a concédé le délégué Kamel Neghli, regrettant le manque de transparence de la répartition.

La Cicta a aussi augmenté, à 2.000 T annuelles, le quota de pêche au thon rouge dans l’Atlantique Ouest, très limité (1.750 T en 2014) après une chute des stocks.

Pour le thon tropical enfin, le plus consommé au monde, elle a décidé de créer un groupe de travail sur les « dispositifs de concentration de poissons ». Ce qui satisfait à moitié les pêcheurs français, qui auraient voulu, en attendant, un gel du nombre de DCP, une technique piégeant les poissons sans distinction de taille ni d’espèce, très utilisée notamment par les Espagnols.

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