Les grands armateurs européens s’allient… tout en restant concurrents

Le numéro un mondial, le danois Maersk Line, et ses challengers italo-suisse MSC et français CMA CGM vont lancer au deuxième trimestre 2014 une structure baptisée P3 couvrant les principales routes maritimes mondiales: les liaisons Asie-Europe, transpacifiques et transatlantiques.

L’alliance affichera une capacité de transport de 2,6 millions de conteneurs standards (EVP), selon un communiqué publié par CMA CGM.

Cette alliance reste soumise à l’aval des autorités de la concurrence, qui se pencheront avec d’autant plus d’attention sur le dossier que les trois européens dominent le marché du transport par conteneur.

Les bateaux de Maersk Line représentent 15,1% de la flotte mondiale, tandis que MSC et CMA CGM pèsent respectivement 13,5 et 8,6%, selon le bureau d’études maritimes Alphaliner.

« Ce n’est pas une coopération commerciale. Nous continuerons à nous concurrencer autant que nous l’avons fait jusque-là, sinon plus », a déclaré Vincent Clerc, directeur des ventes de Maersk Line, à l’agence de presse danoise Ritzau.

« Il n’y a pas d’entorse à la concurrence, (…) chacun va continuer à fixer ses prix, sa politique commerciale et sa politique marketing », a confirmé Anne-France Malrieu, une porte-parole de CMA CGM, jointe par l’AFP.

« Coordonner les prix ne serait à mon avis pas toléré par les autorités de régulation, compte tenu de la forte fragmentation de ce marché », observe Michael Foeth, analyste du transport maritime pour Vontobel. Selon lui, l’alliance « pourrait optimiser les capacités d’utilisation (…) et ainsi tenter d’éviter les surcapacités significatives » éprouvées ces dernières années.

Des problèmes de surcapacité d’autant plus vifs que les armateurs sont engagés dans une course au gigantisme pour réduire leurs frais de fonctionnement: CMA CGM a ainsi baptisé il y a quelques jours le Jules Vernes, le plus grand porte-conteneur au monde.

des économies significatives

Avec cette alliance, les trois géants mettent en commun leur capacité pour s’assurer un « meilleur remplissage des bateaux » et une « meilleure maîtrise de leurs coûts », a précisé CMA CGM. Les économies d’échelle réalisées doivent permettre aux transporteurs de contrer la volatilité des taux de fret.

Cet accord est « l’équivalent de l’alliance Skyteam », qui rassemble 19 compagnies du secteur aérien en un même réseau, selon CMA CGM.

« Grâce à Skyteam, vous pouvez acheter votre billet auprès d’Air France et voler dans un avion appartenant à KLM », a expliqué Anne-France Malrieu. « Nous voulons faire la même chose et proposer un réseau beaucoup plus étendu à nos clients ».

Le réseau P3 doit mobiliser 255 navires, au départ sur 29 lignes maritimes. Les négociations se poursuivent entre les trois géants pour déterminer les ports d’escales à inclure dans l’accord.

Les transporteurs refusent pour le moment d’évaluer l’impact financier de leur accord, mais CMA CGM, qui se relève tout juste d’une crise violente qui a failli l’emporter par le fond, table sur des « économies significatives ».

« Ce sont des accords équivalents à ceux déjà passés, qui n’ont pas posé de problème aux autorités de la concurrence », a insisté le transporteur français.

MSC et CMA CGM avaient ainsi conclu un partenariat opérationnel fin 2011. L’accord avait inauguré une collaboration sur les marchés Asie-Nord Europe, Asie-Afrique du Sud et toute l’Amérique du Sud.

rfo/fga/cb/al

A.P. MOELLER-MAERSK

AIR FRANCE-KLM

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