Les sauveteurs en mer, des bénévoles gardiens des flots

L’alerte est donnée par le C.R.O.S.S, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage de Gris-Nez (Pas-de-Calais). Un homme à la mer! Alors qu’à quelques kilomètres les falaises de la côte d’Opale émergent à peine du brouillard, l’exercice commence pour les hommes du S.N.S.M Calais.

Une balise de détresse éclaire pendant quelques secondes le marin qui s’est jeté à l’eau. Sur le « Notre-Dame-du-Risban », le canot « tous temps » de la station calaisienne, ses collègues ne le lâchent pas du regard.

L’habileté de Charles Devos, dit Charlot, le « patron », celui qui tient la barre, amène le canot à quelques mètres. Une corde est lancée. Bernard Barron, par ailleurs président de la station, remonte rapidement l’homme à bord et effectue les premières constatations.

Quelques minutes plus tard, les qualités du patron sont encore testées, avec l’arrivée de l’hélicoptère Dauphin de la Marine nationale. Douze minutes de vol pour venir du Touquet, où « Guépard-Whisky » est basé. Il faut que le canot et l’hélicoptère fonctionnent de concert, au rythme des flots, pendant que descendent le plongeur et la civière.

Ils sont ancien marin-pêcheur, électricien, retraité de l’Education nationale ou même journaliste. Ils sont 17 bénévoles à la station de Calais, disponibles sept jours sur sept et 24 heures sur 24.

A 56 ans, « Charlot » a 30 ans de sauvetages derrière lui, et autant de souvenirs, que rien ne semble pouvoir l’empêcher de partager. La mémoire est claire, les détails précis.

Surtout pour cette nuit de septembre 1995: presque 20 ans plus tard, chacun se rappelle que les sauveteurs de Calais ont failli perdre un équipage.

Un des détroits les plus fréquentés

Ils étaient partis au secours d’un ferry échoué, le « Stella Challenger », par une mer forte, avec des rafales de 40 à 45 noeuds.

« C’était force 8 ou 9. On a gîté à 45 degrés, les fenêtres touchaient l’eau. Une bulle d’air est entrée dans la barre hydraulique. J’avais plus de barre! », se remémore Charles Devos. Handicapé, le canot est obligé de rentrer au port. Il en repartira immédiatement après les réparations faites.

Pour l’ancien marin-pêcheur, porté par « l’amour de la mer » et « l’ambition de pouvoir porter assistance », le sauvetage était une évidence. Cet état d’esprit anime également Philippe Darques, radio-navigateur, venu par hasard au sauvetage il y a 23 ans. Plaisancier depuis toujours, il a trouvé sur le canot « une bande de solides camarades ».

« Ce sont des marins bénévoles, animés par l’esprit humanitaire et de solidarité des gens de mer », résume Bernard Barron. La mission parfois, est plus pénible que d’autres, explique-t-il. La station de Calais a été à jamais marquée par un suicide collectif d’un homme et de sa fille, qui avaient emmené avec eux le petit-fils. Les marins ont dû récupérer les corps au pied des falaises.

C’est aussi une bande de marins émérites. Il faut s’y retrouver dans ce détroit du Pas-de-Calais de 33 km de large, l’un des plus fréquentés au monde. Environ 300 cargos le traversent longitudinalement chaque jour, sans compter le trafic transversal dit transmanche. La zone n’est pas profonde, 60 mètres au maximum, et plus d’un s’est échoué sur les bancs de sable.

En 2012, le C.R.O.S.S Gris-Nez a comptabilisé 433 opérations sur sa zone de compétence, de la frontière belge au cap d’Antifer, dont près de 200 liées à la recherche et au sauvetage des personnes. Dans près de la moitié des cas, ce sont des plaisanciers qui sont impliqués.

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