Dans son nouveau rapport adopté le 27 septembre, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) revoit à la hausse l’augmentation du niveau des mers, de 26 à 82 cm d’ici à 2100.
« Si l’eau monte, on aura de plus en plus d’ennuis », assure Jean-Pierre Kerloch, maire de la petite commune que l’on rejoint depuis le continent après une traversée d’une heure. « L’inquiétude va grandir avec les années », prévient-il, disant s’attendre à une montée du niveau de la mer et à une augmentation du nombre des tempêtes dans les prochaines années.
Comme posée à fleur d’eau, l’Ile de Sein s’étale sur moins de trois kilomètres de long et à peine 25 à 800 mètres de large. Régulièrement balayée par les vents et arrosée d’écume, elle n’abrite plus qu’une centaine d’habitants à l’année, contre plus de 1.300 dans les années 1950, quand la ressource halieutique était encore importante.
L’altitude moyenne y est de 1,5 m avec un point culminant à 9 m et des endroits situés sous le niveau de la mer. Pour faire face à la houle de cette zone réputée dangereuse pour la navigation, l’île est cintrée par près de 3 km de digues, dont les premières furent construites dans les années 1850.
« Avec une augmentation de 83 cm, il y en aurait partout de l’eau », assure M. Kerloch, soulignant qu’avec un gros coefficient de marée le port est déjà envahi par la mer et disant redouter que « les pouvoirs publics ne s’intéresseront plus à nous » si la population continue de diminuer.
« danger inéluctable »
« D’ici 2100, la hausse du niveau de la mer à l’île de Sein sera certainement identique à ce qui est projeté par les différents scénarios du Giec », assure à l’AFP Nicolas Pouvreau, référent national de l’observation du niveau de la mer auprès du SHOM, le service hydrographique et océanographique de la Marine, expliquant que dans certaines zones du globe le niveau monte moins vite que dans d’autres.
L’Ile de Sein a d’ailleurs déjà connu une augmentation du niveau moyen de la mer d’environ 30 cm entre 1.700 et aujourd’hui, assure l’expert, faisant état de la plus longue série d’observations du niveau de la mer au monde, réalisée à Brest sur 300 ans.
« L’Ile de Sein est particulièrement vulnérable car elle est très, très basse », estime pour sa part Alain Retière, de la plate-forme internationale TASK de partage de connaissances sur l’approche territoriale du changement global. « Le danger n’est pas là tous les jours, mais on sait qu’il est inéluctable ».
Un danger qui, pour l’heure, ne semble pas troubler les habitants de l’île.
« Je fais refaire mon atelier, je ne suis pas du tout inquiet de la montée du niveau de la mer », assure Didier-Marie Le Bihan, artiste-peintre sur l’île depuis une douzaine d’années, désignant un vaste bâtiment à quelques dizaines de mètres de la mer.
« La montée des eaux est peut-être réelle, mais je ne me sens pas en danger ici », insiste l’homme à la barbe poivre et sel, se disant « plus inquiet pour des villes comme Toulon ou Venise.
« Notre génération ne verra pas les dégâts causés par une montée des eaux », explique Malory Porsmaguer, jeune maman de 32 ans, se souvenant cependant de la tempête de mars 2008 qui avait fait « beaucoup de dégâts ». « On a eu très peur, c’était impressionnant », témoigne-t-elle. « Mais de là à ce qu’on voit l’île disparaître… »