L’accord, qui avait été ficelé jeudi par les ambassadeurs des pays membres de l’UE, coordonnés sur ce dossier avec leurs alliés du G7, notamment les Américains et les Britanniques, ainsi que l’Australie, restait suspendu à la décision de Varsovie, qui a donné son feu vert vendredi soir.
Le mécanisme envisagé prévoit d’imposer un plafond de 60 dollars par baril aux prix du pétrole russe vendu à des États tiers, en complément de l’embargo de l’UE qui entre en vigueur lundi.
La Russie a tiré 67 milliards d’euros de ses ventes de pétrole à l’UE depuis le début de la guerre en Ukraine alors que son budget militaire annuel s’élève à environ 60 milliards par an, rappelle Phuc-Vinh Nguyen, expert des questions énergétiques à l’Institut Jacques-Delors.
« Nous pouvons officiellement approuver cette décision », a déclaré à Bruxelles Andrzej Sados, ambassadeur de la Pologne auprès de l’Union européenne.
« L’UE reste unie et est solidaire avec l’Ukraine », s’est félicitée de son côté la présidence tchèque du Conseil de l’UE dans un tweet, précisant que la décision entrerait en vigueur dès sa publication au Journal officiel.
Le dispositif de l’UE doit interdire aux entreprises de fournir les services permettant le transport maritime (fret, assurance…) du pétrole russe au-delà du plafond de 60 dollars, afin de limiter les recettes tirées par Moscou de ses livraisons à des pays comme la Chine ou l’Inde.
L’instrument doit renforcer l’efficacité de l’embargo européen qui intervient plusieurs mois après celui déjà décidé par les États-Unis et le Canada.
La Russie est le deuxième exportateur mondial de brut et, sans ce plafond, il serait très simple de livrer à de nouveaux acheteurs aux prix du marché.
A l’heure actuelle, les pays du G7 fournissent les prestations d’assurance pour 90% des cargaisons mondiales et l’UE est un acteur majeur du fret maritime, d’où un pouvoir de dissuasion crédible, mais aussi un risque de perdre des marchés au profit de concurrents.
– « Dans l’inconnu » –
La Pologne s’était montrée dans un premier temps très critique sur l’efficacité du plafond fixé, réclamant un prix beaucoup plus bas, certaines sources évoquant 30 dollars le baril.
Le cours du baril de pétrole russe (brut de l’Oural) évolue actuellement aux environs de 65 dollars, soit à peine plus que le plafond européen, d’où un impact effectivement limité à court terme.
Les Occidentaux doivent composer avec les intérêts des puissants assureurs britanniques ou armateurs grecs.
L’instrument proposé par la Commission européenne prévoit tout de même d’ajouter une limite fixée à 5% en dessous du cours du marché, au cas où le pétrole russe devait tomber sous le seuil de 60 dollars.
Le prix doit en tout cas rester supérieur aux coûts de production pour inciter la Russie à poursuivre les livraisons et ne pas couper les vannes.
Certains experts craignent une déstabilisation du marché mondial du pétrole et s’interrogent sur la réaction des pays de l’Opep, qui doivent se réunir dimanche à Vienne.
Le Kremlin avait déjà prévenu que la Russie ne livrerait plus de pétrole aux pays qui adopteraient ce plafonnement.
A compter de lundi, l’embargo de l’UE sur le pétrole russe acheminé par voie maritime va supprimer les deux tiers de ses achats de brut à la Russie
L’Allemagne et la Pologne ayant décidé de leur propre chef d’arrêter leurs livraisons via un oléoduc d’ici la fin de l’année, les importations russes seront touchées à plus de 90%, affirment les Européens.
Pour Phuc-Vinh Nguyen, le plafonnement envisagé soulève en revanche de nombreuses questions. « Un plafond de prix du pétrole, ça ne s’est jamais vu. On est dans l’inconnu », résume-t-il, en soulignant que la réaction des pays producteurs de l’Opep ou de gros acheteurs comme l’Inde ou la Chine sera cruciale.
Seul certitude; selon lui: un plafonnement, même à un tarif élevé, enverra « un signal politique fort » au président russe Vladimir Poutine, car, une fois en place, ce mécanisme pourra être durci.