Malgré les difficultés, à Koné, le nickel calédonien toujours moteur de développement

Koné (France), 25 nov 2023 (AFP) – Protégés par des combinaisons ignifugées, des ouvrier s’activent autour d’un gigantesque four d’où s’écoule de la lave de nickel en fusion qui jaillit par jets, avant de s’écouler dans d’énormes godets.

Installée à Koné, l’usine métallurgique de Koniambo Nickel, conçue comme un projet éminemment politique, a profondément transformé le nord de la Nouvelle-Calédonie. Mais comme les deux autres métallurgistes de l’archipel, l’entreprise est à présent en difficulté.

Voilà dix ans maintenant que Koniambo Nickel SAS (détenue à 51% par la province Nord, collectivité indépendantiste) produit du ferronickel destiné principalement à la production d’acier inoxydable. L’entreprise, dont la construction avait débuté au milieu des années 2000, a profondément bouleversé cette province rurale.

L’usine métallurgique bénéficie d’une importante adhésion dans la population environnante. Pensé comme un projet de rééquilibrage économique entre le nord et le sud de l’archipel, le complexe est aussi, pour les leaders indépendantistes, un outil devant conduire à l’indépendance économique, sans laquelle l’autonomie politique n’est selon eux pas possible.

L’accent a été mis sur l’emploi local, dans cette province majoritairement habitée par des populations kanaks.

« 95% de nos salariés répondent aux critères d’emploi local, dont 40% des directeurs et 55% des surintendants », assure à l’AFP Alexandre Rousseau, vice-président en charge des ressources humaines. « KNS, c’est 3.701 emplois, dont 1.319 emplois directs, mais on est monté jusqu’à 6.500 au pic de la construction, entre 2010 et 2013 ».

– « Village de cowboys » –

Le quadragénaire, arrivé en 2016 sur « VKP » (surnom donnée à la zone d’influence directe de l’usine, sur les communes de Voh, Koné, et Pouembout) a vu la région se transformer, presque à vu d’oeil. « A l’époque, il n’y avait rien. Pas de supermarché. Un seul collège, un petit dispensaire, c’est tout », se remémore-t-il.

Entre 1996, année du lancement officiel du projet, et le dernier recensement de 2019, la population y a quasiment doublé, passant de 7.219 habitants à 13.752.

Georges Hnaweongo, aujourd’hui salarié sur la mine qui alimente l’usine, se souvient de son enfance à Pouembout dans les années 1990, quand « les chevaux traversaient le village »: « C’était vraiment le village de cowboys, ça a beaucoup changé ». Une antenne de l’université, un hôpital, plusieurs centres commerciaux et zones d’activités ont été construits.

Selon une étude du Centre national de recherche technologique Nickel et de l’université de la Nouvelle-Calédonie, le niveau de vie des Calédoniens résidant à proximité d’un site métallurgique est de 12% supérieur à celui du reste du territoire. « Grâce à KNS, j’ai pu acheter ma maison », confirme Georges Hnaweongo.

Dans le même temps, le nombre d’entreprises est passé de 1.500 à près de 4.000. Les retombées sur l’économie locale sont estimées par KNS à cinq milliards d’euros depuis le lancement du projet.

Les entreprises sous-traitantes sont également pour la plupart locales, voire créées de toutes pièces pour intégrer les populations des tribus avoisinantes. Celles-ci ne touchent pas de royalties, mais peuvent obtenir des contrats à travers un outil unique en droit français, les Groupements de droit particulier local (GDPL) qui permettent de respecter l’organisation communautaire et tribale tout en ayant un but lucratif.

Un dispositif inventé en 1982 et largement utilisé dans le cadre du projet KNS. Les GDPL tribaux ont pu intégrer des sociétés civiles de participation et offrir des trajectoires uniques aux populations locales.

Maire Teriinohopuaiterai et Alice Tein-Fouin sont ainsi depuis 12 ans à la tête d’une société de nettoyage, Mailice. Leurs cinq salariés sont en charge de l’entretien des locaux de la mine alimentant l’usine. Pourtant rien ne les destinaient à devenir chefs d’entreprise.

« On travaillait toutes les deux à l’épicerie de Voh, moi comme caissière, Alice comme employée, raconte Maire Teriinohopuaiterai. Le GDPL est venu nous chercher en nous disant +Vous allez prendre le contrat du nettoyage+. Sinon jamais on aurait pu faire ça ».

Mais une épée de Damoclès est aujourd’hui placée au-dessus de leur entreprise, comme sur les autres.

Car KNS a perdu beaucoup d’argent, en raison notamment de déboires techniques, mais aussi des mutations du marché qui voit le ferronickel dévalué par rapport au nickel destiné aux batteries pour véhicules électriques. Son endettement atteint 13,9 milliards d’euros.

Au point que le géant anglo-suisse Glencore, qui détient 49% des parts de l’entreprise, envisage de se retirer du projet d’ici février si ses partenaires ne mettent pas la main à la poche.

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GLENCORE PLC

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