Martinique: au supermarché, le calvaire des prix élevés

Fort-de-France, 24 sept 2024 (AFP) – Casquette blanche sur la tête, Eveline pousse son caddie à moitié vide sur le parking bondé d’un grand supermarché du sud-ouest de Fort-de-France. Un pack d’eau, des yaourts ou encore des fruits, la retraitée dénonce, comme beaucoup, des prix qui « étranglent » les Martiniquais.

« On est étouffés, on est étranglés, on ne peut plus rien acheter », critique la femme de 69 ans derrière ses lunettes fumées.

« Dans mon caddie (…) il n’y a pas grand-chose », raconte-t-elle après avoir chargé ses courses.

Comme Eveline, tous les clients de cette grande surface interrogés par l’AFP témoignent de prix souvent exorbitants comparés à la France hexagonale.

« Je ne mange plus de viande », déclare, devant sa voiture, Lise Castania. Dans l’enseigne, les steaks surgelés d’une grande marque se vendent 19,46 euros le kilo comparés aux 10,71 affichés sur la plateforme internet Drive de Leclerc à Montpellier.

Arrivée de banlieue parisienne en Martinique il y a environ un mois, la quadragénaire « chasse les promos ».

« La dernière fois, il y avait une promo sur le Nutella, j’ai pris 3-4 pots. J’ai fait un stock pour les enfants », dit-elle, assurant débourser en courses, chaque semaine, « 300 euros minimum » contre « peut-être » 200 euros en Ile-de-France.

Le coffre de sa voiture ouvert, les mains retenant un pack de 144 couches – « les moins chères » – et deux packs d’eau, Elodie, 32 ans, mère de deux enfants, a dépensé 42 euros.

Un pack de 6X1L d’Evian coûte 8,51 euros dans ce supermarché de cette île d’environ 350.000 habitants, à près de 7.000 kilomètres de Paris. Le pack d’eau 6X1,5L du coin, Lafort, est à 3,85 euros.

Mais acheter local ne résout pas tout, affirme Elodie: « Les bananes dessert, ça coûte moins cher » dans l’Hexagone, alors que les plantations se situent souvent en Martinique.

« Ce n’est pas devenu plus cher, ça fait longtemps que c’est comme ça », réagit Cynthia, 42 ans. Avec son mari, ils sont revenus vivre ici il y a neuf ans. « C’est vrai que maintenant on fait très attention au prix », dit cette responsable marketing.

« C’est peut-être utopiste mais on aurait aimé, étant donné que nous sommes citoyens français, qu’on soit quand même plus alignés sur des prix de France hexagonale », renchérit son mari Gaël, reprenant la revendication du RPPRAC, le collectif en pointe du mouvement de colère contre la vie chère lancé début septembre. Un couvre-feu a été mis en place dans certains quartiers et prolongé jusqu’à jeudi pour faire face à des violences urbaines.

Si le styliste évoque le coût du transport pour les importations, il persiste: « il y a des prix qui ne sont pas justifiés ».

Interrogés la semaine dernière par l’AFP, des experts citaient le coût du transport, la question d’une faible concurrence chez les distributeurs mais également celle de l’octroi de mer, une taxe douanière s’appliquant aux importations.

« Si on ne veut pas déprimer, il faut surtout ne pas comparer (…) ce qu’on avait l’habitude d’acheter à Paris et ici », estime Cynthia.

– « Accentuer la prise de conscience » –

Le site internet Kiprix, créé par Robeen Simeon, sert justement à comparer les prix, entre l’application internet Drive d’un Leclerc en Martinique et deux enseignes de la même marque, à Toulouse et Montpellier.

En Martinique, d’après une étude de l’Insee en 2022, les prix alimentaires étaient 40% plus élevés que dans l’Hexagone.

Derrière ses lunettes rondes et sa barbe de trois jours, Robeen Simeon, développeur martiniquais, fait défiler les produits sur l’écran de son ordinateur. Environ 9.000 sont répertoriés.

« Les pâtes Barilla de 500 grammes, les Penne, en Martinique elles sont vendues à 2 euros et en France (métropolitaine) on les retrouve à 1,02 euros », dit-il, installé dans un espace de co-working à Fort-de-France.

Il a lancé sa plateforme mi-septembre, sur une idée de son père, en plein mouvement contre la vie chère, et dit recevoir de nombreux encouragements de la part de consommateurs.

Si le jeune homme de 28 ans reconnaît qu’avec ces comparaisons, « déprimer » les Martiniquais peut être une crainte, il espère « accentuer la prise de conscience ».

Des habitants de Guadeloupe et de La Réunion, où la vie est chère, lui ont d’ailleurs demandé de « faire la même chose pour leurs îles ».

Son objectif: informer des lieux pour faire leurs courses au meilleur prix afin « de retrouver un peu de pouvoir d’achat ».

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