Nautisme: l’industrie en quête d’un plaisancier français acheteur

Plus d’un million de bateaux en France, mais des ventes de neuf en baisse de 10% depuis 3-4 ans. Le chiffre interpelle, même si au Pavois de La Rochelle, la profession rappelle qu’elle vit surtout de l’export (67%), que l’occasion domine le marché français et que l’engouement perdure.

« Le goût pour la navigation ne faiblit pas, d’après les mesures de pratique, de fréquentation des ports, de fêtes nautiques. La passion des Français pour la mer reste forte », assure Jean-François Fountaine, navigateur devenu constructeur, et président de la Fédération des industries nautiques.

Le Français navigue, mais loue davantage, achète moins, plus tard, et différemment. Le bateau à moteur se développe plus (72% des nouvelles immatriculations) que le voilier, surtout le petit voilier, sinistré.

« Il y a deux types de plaisanciers bien distincts », quoique les deux plutôt aisés, décrypte Gérard Maumenée, directeur du cabinet Horizons Experts, qui réalise avec la Sofres un suivi régulier du marché, et conseille industrie, collectivités ou ports.

« Il y a les +anciens+, connaisseurs, qui ont possédé des bateaux successifs, sont venus à la plaisance avec la vague des années 70-80. Mais ils ont vieilli. En 2012, 190.000 propriétaires ont 70 ans ou plus, près de 20% ».

Et il y a les « nouveaux », qui voient les choses un peu différemment.

Ils sont bien d’accord sur les plaisirs de la navigation: « Evasion, contact avec la nature, sensations sans comparaison avec la terre », poursuit Maumenée. « Mais eux ajoutent un mot: aléatoire ».

Vie active trop dévorante

« Pour eux, la plaisance c’est quand il fait beau, que le vent est à la bonne force et direction, qu’il n’y a pas de courant contraire, que la marée est bonne pour sortir… Ca pose problème, et explique la tendance vers le moteur: on tourne la clef de contact, on revient à l’heure prévue ».

« C’est l’époque qui veut cela. Plus que jamais on demande du plaisir garanti, pas de l’aléatoire ».

« Les gens ont de moins en moins de temps », appuie Alain Pochon, directeur du Pavois. « La vie active est dévorante: ils arrivent de Paris, Bordeaux ou Toulouse pour le week-end. Or faire du voilier prend du temps, il faut préparer le bateau, sortir au moins 5-6 heures… ».

« Les gens sont moins patients, veulent tout tout de suite », ajoute Christophe Pauly, directeur du chantier Guy Marine, spécialisé dans ces 5 à 7,5 mètres à moteur, niche à présent investie par les géants du secteur. Et elle-même concurrencée par les jetskis.

Ainsi chez les jeunes propriétaires, quelque 30.000 âgés de moins de 30 ans, ne compte-t-on que 3.000 voiliers pour 15.000 moteurs (et 10.000 jetskis). Question de budget mais pas seulement: car on trouve de petits voiliers d’occasion à quelques milliers d’euros.

Les professionnels tempèrent, rappellent que souvent le plaisancier vient à l’eau à moteur « par facilité d’usage », avant de passer à la voile, puis revient au moteur avec l’âge.

Pour ses 40 ans, le Pavois s’offre un peu de nostalgie en exhibant « Damien », monocoque en bois de 10 m, classé monument historique, sur lequel deux étudiants, Gérard Janichon et Jérôme Poncet, firent un tour du monde en 1969-73: une épopée mythique, telle le « Joshua » de Bernard Moitessier, qui inspira des générations de marins.

Référence pour conjurer un déficit voilier ? Fountaine proteste: de nos jours, des skippers tels « Michel Desjoyeaux, Loïck Peyron, sont des héros populaires. Mais ils font le tour du monde à 45 noeuds de moyenne, quand +Damien+ le faisait à 5 noeuds »

« Ces exploits sportifs fascinent », convient Maumenée. « Mais les nouveaux plaisanciers ne se sentent pas concernés ».

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