Après le vote favorable du Sénat, une adoption à l’identique par les députés est nécessaire pour faire cheminer ce projet gouvernemental, qui sera soumis à un vote solennel mardi après-midi dans l’hémicycle de l’Assemblée.
Une adoption ouvrirait la voie à une réunion du Parlement en Congrès pour réformer la Constitution, mais la date de cette grand-messe parlementaire à Versailles n’est pas encore fixée, même si la fin du mois de juin a été avancée par plusieurs sources parlementaires.
En tout cas, Emmanuel Macron a promis de ne pas convoquer le Congrès « dans la foulée » du vote de l’Assemblée selon son entourage. Un signe d’apaisement envoyé par l’exécutif pour laisser une dernière chance aux discussions entre les parties prenantes locales en vue d’un accord institutionnel global.
Ces dernières seront très prochainement invitées à Paris pour « une rencontre avec le gouvernement », a fait savoir dimanche l’entourage du président.
Car derrière ce texte de loi assez technique se joue une grande partie de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, en témoigne la mobilisation constante que connaît l’archipel ces derniers jours, avec plusieurs manifestations et interpellations.
Deux camps s’opposent. Celui des non-indépendantistes, favorables à la réforme, et celui des indépendantistes qui y voient au contraire un passage en force de l’Etat pour « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».
Ces derniers, regroupés au sein de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), ont indiqué que la mobilisation s’intensifierait en cas d’adoption du projet de loi, sans toutefois préciser de calendrier ni la nature des actions à venir.
– « Bombe contre la paix civile » –
Lundi, le Congrès de Nouvelle-Calédonie a manifesté son opposition au projet en adoptant une résolution demandant le retrait de la réforme, un appel relayé par la gauche en métropole.
Dans une tribune au Monde cosignée notamment par son leader Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise demande au gouvernement de « cesser d’attiser les tensions qui fracturent la population », redoutant une « véritable bombe contre la paix civile en Calédonie » et appelant à la création d’une « mission de dialogue ».
Les tensions sont aussi exacerbées par un contexte économique très pesant dans l’archipel, avec une grave crise de la filière nickel à laquelle le gouvernement tente de répondre par un plan de redressement décrié.
La réforme constitutionnelle vise à ouvrir les élections provinciales aux résidents installés depuis au moins dix ans. Prévu à ce stade au plus tard le 15 décembre, ce scrutin est essentiel sur l’archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des compétences.
Etabli en 1998 par l’accord de Nouméa, le corps électoral est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver de droit de vote près d’un électeur sur cinq.
– « Solution négociée » –
Cette situation « n’est plus conforme aux principes de la démocratie », martèle le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui s’est rendu à de multiples reprises en Nouvelle-Calédonie ces dernières années mais subit ces dernières semaines les demandes des oppositions qui exhortent le Premier ministre Gabriel Attal de reprendre le dossier en main.
Le gouvernement « prend donc ses responsabilités », a prévenu le ministre, qui plaide pour une adoption du texte sans modification par l’Assemblée nationale, tout en laissant la porte ouverte à un accord institutionnel trouvé localement.
Au Sénat, un mécanisme a été ajouté pour permettre la suspension de cette réforme constitutionnelle si un accord local survient jusqu’à 10 jours avant les prochaines élections provinciales. Le gouvernement avait initialement fixé une date limite au 1er juillet, perçue comme un « ultimatum » par les oppositions.
A l’Assemblée nationale, le projet de loi a été adopté sans encombre en commission avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et de l’extrême droite, malgré l’opposition de la gauche qui a déposé une série d’amendements.
« Il est urgent de laisser le temps aux parties de construire une solution négociée, pacifique et durable », insiste le socialiste Arthur Delaporte. Ce dernier s’apprête à défendre une motion de rejet préalable du texte dans l’hémicycle… Mais l’initiative a peu de chances d’aboutir.