Victime d’une panne de moteur, le MSC Opera, qui peut transporter près de 2.680 passagers et naviguait sur le canal de la Giudecca, a heurté un quai puis un bateau touristique en voulant s’amarrer, a-t-on appris auprès des autorités portuaires.
Des images vidéo d’amateurs postées sur Twitter montrent des touristes à terre s’enfuir en courant devant le paquebot de 275 mètres, doté de 13 ponts, qui racle le quai tout du long, moteurs rugissants.
« Quand nous avons vu le bateau s’approcher de nous, tout le monde s’est mis à crier et courir », a raconté un marin qui se trouvait sur le bateau touristique River Countess, heurté par le MSC Opera, cité par des médias italiens.
« Je ne savais pas quoi faire. Je me suis enfui rapidement et sauté à terre », a poursuivi l’homme, qui a requis l’anonymat.
Selon les autorités portuaires, l’accident, survenu à San Basilio-Zatterre a fait quatre blessés légers à bord du River Countess. Il s’agit de touristes, âgés de 67 à 72 ans, venus d’Australie, de Nouvelle-Zélande et des Etats-Unis, selon les médias.
« Le bateau de MSC a eu une panne de moteur, ce qui a été immédiatement signalé au capitaine », a déclaré à des médias italiens Davide Calderan, responsable de la compagnie de remorqueurs chargée d’accompagner le navire jusqu’à sa place à quai. « Le moteur était bloqué avec la commande de poussée, parce que la vitesse augmentait », a-t-il ajouté.
Les deux remorqueurs chargés de guider le bateau dans le canal ont tenté de le ralentir mais l’une des chaînes les reliant au navire géant a sauté sous la pression, a précisé M. Calderan.
« J’ai vu la proue s’approcher et j’ai cru qu’elle allait frapper ma maison. Le bruit était assourdissant », a raconté un habitant de la ville, cité par des médias italiens.
Le MSC Opera avait souffert d’une panne électrique en mai 2011 en mer Baltique et avait dû débarquer ses 1.800 passagers à Stockholm.
– Bannis de la Giudecca ? –
L’accident ravive les vives critiques qui agitent la Sérénissime à propos des dommages infligés au site — la ville portuaire et sa lagune sont inscrites au patrimoine de l’UNESCO — et à son fragile écosystème par ces géants des mers qui naviguent si près du rivage que leurs cheminées se profilent derrière les clochers et les ponts de la cité lagunaire.
Les paquebots sont accusés par les défenseurs de l’environnement de contribuer à l’érosion des fondations de la ville.
« Ce qui s’est passé dans le port de Venise est une confirmation de ce que nous disons depuis un certain temps », a tweeté le ministre italien de l’Environnement Sergio Costa. « Les paquebots de croisière ne doivent pas naviguer le long de la Giudecca. Nous travaillons à les déplacer depuis plusieurs mois (…) et nous sommes proches d’une solution », a-t-il promis.
Le ministre des Transports Danilo Toninelli a assuré dans la soirée que le gouvernement aurait trouvé une « solution définitive » d’ici la fin juin.
L’Italie a adopté en novembre 2017 un plan de développement de la lagune pour soutenir l’activité lucrative des bateaux de croisière tout en modifiant le parcours des paquebots, qui à terme ne pourront plus traverser la cité lacustre via le canal de la Giudecca qui longe la place Saint-Marc, grâce à la construction d’un nouveau terminal maritime.
« A partir de demain nous devons bouger, tous ensemble et aussi vite que possible, pour résoudre le problème du trafic des bateaux de croisière », a réagi Pino Musolino de l’Autorité portuaire du nord de la mer Adriatique.
Pour l’ONG environnementale WWF, cet incident est « un signal d’alarme important qu’il serait fou de ne pas entendre ».
Député de la Gauche italienne, Nicola Fratoianni a lui tenu à relever que la politique de bras ouverts de l’Italie à ces paquebots contrastait avec celle pratiquée à l’égard des bateaux des ONG qui secourent des migrants en Méditerranée.
« Il est réellement étrange de voir un pays qui essaye d’empêcher les bateaux qui sauvent des gens en mer d’accoster dans ses ports, autoriser ces monstres d’acier à faire peser un risque de carnage à Venise », a-t-il critiqué.
Le MSC Opera, construit il y a quinze ans par les Chantiers de l’Atlantique en France, est opéré par le croisiériste italo-suisse MSC Cruises, compagnie internationale dont le siège se trouve à Genève (Suisse).
Cet incident survient quelques jours après une collision sur le Danube, dans le centre de Budapest, entre un bateau de croisière, le « Sigyn » de la compagnie Viking (qui compte 95 cabines) et une embarcation touristique. Ce drame, survenu mercredi, a fait 7 morts et 21 disparus, essentiellement des touristes sud-coréens.
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