Réunis à Gênes depuis une semaine, ils ont travaillé sur un projet de recommandation de l’Union européenne, qui propose d’augmenter le strict quota actuel d’environ 20% par an sur trois ans. Selon cette proposition, l’autorisation passerait de 13.500 tonnes en 2014 à 23.155 en 2017.
La recommandation, amendée jusque tard dimanche soir, prévoit un suivi scientifique régulier du stock sur les prochaines années, avec la volonté dans l’immédiat de maintenir un quota en deçà du niveau des estimations les plus prudentes. Ce quota serait également revu chaque année, « sur l’avis du comité scientifique » de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta).
Au terme d’une semaine de débats et de tractations à huis clos, plusieurs centaines de délégués et participants à la réunion de cette organisation inter-gouvernementale se sont retrouvés lundi matin en séance plénière, pour l’annonce d’une décision traditionnellement adoptée par consensus. A moins qu’un Etat ne fasse objection ou demande un vote.
Car la pression est forte depuis que le comité scientifique de la Cicta a annoncé un retour spectaculaire du thon rouge, victime de la surpêche dans les années 1990-2000 avant que l’établissement en 2007 d’un quota et de mesures de régulation draconiennes (réduction des flotilles, contrôles) ne commence à rétablir le plus gros stock au monde dans l’Atlantique Est et en Méditerranée.
Selon cette étude, le stock de reproducteurs était estimé à 585.000 tonnes en 2013 (contre 150.000 en 2008). Les scientifiques, qui ne peuvent cependant préciser s’il est reconstitué ou en passe de l’être, soulignent simplement qu’une hausse « progressive et modérée » du quota ne devrait pas remettre en cause le programme de reconstitution prévu sur 15 ans.
« Nous avons été contraints de faire des efforts, et ça a été une bonne chose. Aujourd’hui que le poisson est de retour, il n’y a pas de raison de ne pas améliorer le quota », souligne Bertrand Wendling, de l’organisation de pêcheurs français SaThoAn. Il se dit confiant dans l’adoption de la proposition européenne, tout en prônant le maintien de contrôles et de quotas, garants d’une protection des pêcheurs contre une concurrence illégale et de prix soutenus.
– nouvelle phase –
Les 48 membres de la Cicta (UE + 47 pays dont le Japon, les Etats-Unis) pourraient aussi se prononcer lundi sur la répartition du quota. Celle-ci a été relativement stable ces dernières années (59,2% pour l’UE, suivie du Maroc, Japon, Tunisie, Libye), mais plusieurs pays méditerranéens voudraient la voir révisée.
« Pour nous, l’important est la conservation de l’espèce », commente Sergi Tudela du WWF, qui, à l’unisson d’autres ONG comme Pew Environnment, demande une hausse très progressive.
« Nous vivons un moment important, car c’est une nouvelle phase » qui s’ouvre pour la Cicta, ajoute-t-il. Il veut croire que l’organisation intergouvernementale ne voudra pas revenir en arrière, alors que le « thunnus thynnus », ce géant migrateur à la chair si prisée des Japonais, avait été à deux doigts d’être classé espèce menacée par l’Onu.
Lundi, la Cicta devrait aussi fixer son quota annuel de pêche au thon rouge dans l’ouest de l’Atlantique, limité (1.750 T en 2014) depuis la chute drastique des stocks et l’adoption en 1998 d’un programme de rétablissement sur 20 ans. Le sujet intéresse notamment les Etats-Unis, le Canada, le Japon.
Les ONG attendent aussi des avancées sur l’espadon, dont la situation « ne va pas dans le bon sens », selon les scientifiques. Elles demandent à nouveau à la Cicta d’interdire la découpe en mer des ailerons de requins.
Enfin, les techniques de pêche du thon tropical, le plus consommé au monde, sont aussi sur la table, les pêcheurs français souhaitant un encadrement des « dispositifs de concentration de poissons ». Une technique qui piège les poissons sans distinction de taille ni d’espèces, très utilisée notamment par les Espagnols. « Ca avance, mais pas aussi bien qu’on le souhaiterait », notait dimanche un participant à cette réunion.