« Les négociations sont en cours sur les licences restantes. Nous poursuivons les échanges et attendons des résultats positifs d’ici au 10 décembre », a déclaré mardi soir à l’AFP la ministre française de la Mer, Annick Girardin.
Côté britannique, on assure travailler sans relâche pour résoudre les problèmes, selon une source au ministère de l’Environnement, qui chapeaute la pêche, sans toutefois évoquer de date.
Alors que les relations bilatérales se sont encore dégradées récemment sur la question migratoire, les réunions s’enchaînent ces derniers jours sur la pêche sous l’égide de la Commission européenne.
Cela fait maintenant plus de onze mois que ce dossier empoisonne les relations franco-britanniques. Personne n’est satisfait. Les pêcheurs français se sentent floués, Paris a haussé le ton, demandant à la Commission d’être « plus active », et Londres temporise, n’entendant pas se voir dicter sa conduite par une Europe qu’elle a choisi de quitter.
En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Depuis le 1er janvier 2021, la France a obtenu environ un millier de licences de pêche dans les eaux britanniques et dans celles des îles anglo-normandes, mais Paris en réclame encore une centaine.
– « Risque de surexploitation » –
Le ton est déjà monté, frôlant la confrontation à plusieurs reprises: un blocus de Jersey par les pêcheurs français en mai dernier, qui avait entraîné l’envoi de deux patrouilleurs britanniques; une inflation des menaces françaises de sanctions en octobre; et plus récemment, le blocage par les pêcheurs français de ports et du terminal fret du tunnel sous la Manche, par lequel transitent 25% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe.
Les pêcheurs français, excédés par des mois d’attente et le sentiment que l’Europe « les laisse tomber » alors qu’ils ont fourni « tous les papiers demandés », se sont dits prêts à aller plus loin si aucun progrès n’était rapidement réalisé.
« Je le répète : aucun navire ne sera laissé sans solution. Nous savons compter sur l’action de la Commission pour défendre avec nous les demandes des pêcheurs français », a redit Annick Girardin mardi soir.
Si les discussions avancent paisiblement avec l’île de Guernesey, considérée par Paris comme un « partenaire fiable » et qui a accordé le 1er décembre 43 licences définitives aux pêcheurs français, les échanges sont nettement plus tendus avec Londres et le bailliage de Jersey.
Désireux de voir la situation se débloquer, Paris a ciblé « en priorité » quelques dizaines de dossiers: ceux des navires dont la survie économique dépend largement de l’accès aux eaux britanniques.
Depuis des semaines, les discussions achoppent sur le sort de 40 bateaux remplaçants (acquis récemment par les pêcheurs pour renouveler leur flotte) essentiellement situés dans les Hauts-de-France (nord): leur situation est particulièrement dramatique car ils n’ont plus aucun accès aux eaux britanniques depuis le 1er janvier 2021, avec des pertes allant de 20 à 50% de chiffre d’affaires, selon le comité national des pêches.
Environ un quart des prises françaises (hors Méditerranée) en volume (environ 20% en valeur) proviennent des eaux britanniques, très poissonneuses et qui sont à l’origine de 650 millions d’euros de ventes annuelles pour les pêcheurs européens.
En l’absence de licences britanniques pour les navires européens, les pêcheurs mettent aussi en garde contre un « risque de surexploitation » de la ressource côté français.
« Les négociations ne font en fait que commencer », soupire un responsable du comité des pêches, soulignant qu’outre la question des licences, il faut s’attaquer à celle des « modalités de pêche et des quotas » et « là, les discussions sont déjà très, très tendues ».