Vendredi le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba a reçu son chef de la diplomatie Takeshi Iwaya avec les ministres chinois Wang Yi et sud-coréen Cho Tae-yul. Il a plaidé pour une diplomatie « pragmatique » et un dialogue, « y compris sur les sujets de préoccupation ».
« Bien que des problèmes complexes surviennent parfois en raison de notre voisinage, le Japon espère engager un dialogue, y compris sur les sujets de préoccupation, et bâtir une relation de coopération tournée vers l’avenir au travers d’une diplomatie pragmatique », a encore dit M. Ishiba aux ministres.
Cette réunion, la 11e sous ce format, intervient alors que l’Asie orientale se trouve particulièrement touchée par l’offensive douanière lancée tous azimuts par le président américain Donald Trump.
Les Etats-Unis ont déjà frappé de droits de douane additionnels de 20% les importations de produits chinois, et imposé des droits de 25% sur l’acier et l’aluminium, décision qui frappe durement le Japon et la Corée du Sud –avant une salve de droits de douane « réciproques » ciblant tous les pays, attendue début avril.
Le ministre japonais des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya, a indiqué à la presse qu’il espérait « avoir des échanges de vues francs » sur la coopération trilatérale et sur « la situation régionale ».
Les ministres devraient notamment aborder les questions de coopération économique, de dialogue entre les peuples, et de mesures visant à contrer la baisse de la natalité –un problème critique pour les trois pays–, a rapporté la télévision publique japonaise NHK.
Ils s’efforceront par ailleurs de s’entendre sur l’organisation d’un potentiel sommet trilatéral d’ici la fin de l’année, a ajouté la chaîne.
La Chine s’est par ailleurs dite prête à muscler les collaborations dans « le développement durable et le changement climatique, la santé publique » ou encore « la transformation numérique ».
– « Diversifier les options » –
« Si ces dialogues trilatéraux se poursuivent depuis plus de dix ans, (le cycle actuel) revêt une importance accrue: les trois pays subissant tous des pressions économiques de Washington, quoiqu’à des degrés divers, leurs dirigeants sont de plus en plus contraints de diversifier leurs options », souligne Patrica Kim, chercheuse à la Brookings Institution à Washington.
« Il n’est pas surprenant que les trois plus grandes économies d’Asie orientale se tournent les unes vers les autres en quête de nouvelles opportunités économiques », a-t-elle indiqué à l’AFP.
Le simple fait que ces négociations aient lieu « sera perçu comme un succès, notamment par Pékin, qui s’emploie activement à améliorer ses relations avec les autres grandes et moyennes puissances dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis », ajoute-t-elle.
Les chefs d’Etat des trois pays s’étaient retrouvés en mai 2024 à Séoul pour leur premier sommet tripartite en cinq ans: ils y avaient convenu d’approfondir leurs liens commerciaux et réaffirmé leur objectif de dénucléarisation de la péninsule coréenne –en référence aux armements nucléaires développés par la Corée du Nord.
Séoul et Tokyo adoptent généralement une position plus ferme à l’égard de Pyongyang que Pékin, qui demeure l’un des principaux alliés et bailleurs de fonds économiques de Pyongyang.
Mais cette nouvelle réunion « devrait donner la priorité aux questions économiques, face aux offensives douanières de l’administration Trump », avertit Lim Eul-chul, professeur à l’Institut d’études d’Extrême-Orient de Séoul.
« La question nord-coréenne pourrait être abordée, mais il est peu probable qu’elle soit une priorité absolue ».
-Fruits de mer nippons-
Des discussions bilatérales sont également prévues samedi. En particulier, le Japon et la Chine tiendront leur premier « dialogue économique de haut niveau » en six ans.
« Les relations sino-japonaises tendent actuellement à s’améliorer et à se développer. Nous espérerons que le Japon travaillera avec la Chine pour faire avancer pleinement nos liens stratégiques », a déclaré vendredi Mme Mao Ning, porte-parole de la diplomatie chinoise.
Pékin souhaite « construire une relation bilatérale constructive et stable, répondant aux exigences de la nouvelle ère », a-t-elle martelé.
Les deux puissances tentent de renouer des relations qui, depuis des années, sont entachées notamment par d’historiques conflits territoriaux.
Tokyo entend également convaincre Pékin de lever complètement l’interdiction des importations de fruits de mer japonais, imposée après le début du rejet dans l’océan de l’eau stockée sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima.
Un dossier jugé crucial par M. Iwaya. La Chine a déjà annoncé en septembre se préparer à « reprendre progressivement » ses importations, mais sans mise en oeuvre effective pour l’heure.