Pollution de l’Escaut: jugé à Lille, le sucrier Tereos se défend de « toute négligence »

Lille, 17 nov 2022 (AFP) – Le deuxième groupe sucrier mondial Tereos, mis en cause dans la pollution de l’Escaut et la mort de tonnes de poissons en 2020, s’est défendu jeudi de « toute négligence » à l’ouverture de son procès à Lille.

Dans la nuit du 9 au 10 avril 2020, après la rupture d’une digue de l’usine Tereos d’Escaudoeuvres (Nord) qui retenait les eaux de lavage de betteraves, 100.000 m3 de liquide noirâtre, essentiellement des matières organiques, s’étaient déversés dans la nature, polluant notamment l’Escaut, fleuve traversant la France, la Belgique et les Pays-Bas.

Plusieurs photos montrant des dizaines de poissons morts ont été diffusées lors de ce premier jour d’audience au tribunal correctionnel de Lille. Entre 50 et 70 tonnes de poissons morts avaient été retrouvés en Belgique et 13,25 tonnes en France.

« L’ampleur de la catastrophe a sans doute été sous-estimée en raison du confinement très strict alors en place, rendant difficiles les premières constatations et les opérations de contrôle », a affirmé Benoît Vandermaesen, le président du tribunal.

« On a observé une pollution inédite, très brutale, qui a provoqué la dégradation de tous les organismes vivants », a affirmé à l’audience Frédéric Legrand, inspecteur de l’environnement à l’Office français de la biodiversité.

Il a relevé « une diminution de 50% du nombre d’espèces de poissons rencontrées et de 90% des effectifs globaux par rapport à la normale », lors des inventaires effectués en mai et en octobre 2020.

Tereos, jugé jusqu’à vendredi, doit notamment répondre du déversement « de substance nuisible dans les eaux » et du rejet « de substance nuisible au poisson », des infractions passibles de deux ans de prison et 75.000 euros d’amendes. L’entreprise qui détient la marque Béghin Say comparaît aussi pour « mise en place sans autorisation par personne morale d’une installation (…) nuisible à l’eau », passible de trois ans de prison et 150.000 euros d’amende.

Le groupe s’est défendu jeudi de « toute négligence » sur l’entretien de la digue qui a cédé. « Il n’y a pas eu de manquements dans l’entretien de la digue ou dans les travaux du bassin réalisés par Tereos », a affirmé son avocat, Me Alexandre Moustardier, précisant que 80 millions d’euros avait été investis en cinq ans sur le site.

« Une fois alerté de la rupture, Tereos a tout mis en oeuvre, en réponse avec les autorités françaises notamment, pour répondre à l’urgence de la situation », a-t-il ajouté.

« Si la végétation avait été abattue correctement autour de la digue, il n’y aurait pas eu cette grave pollution jusqu’en Belgique », a de son côté affirmé Me Corinne Lepage, qui défend la Wallonie.

Ce procès a « une dimension symbolique et pédagogique en raison de l’ampleur du préjudice écologique », avait affirmé avant l’audience à l’AFP Me Nina Potier, avocate de l’Association pour la protection des animaux sauvages et de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), parties civiles.

En septembre 2021, la préfecture du Nord avait exigé de Tereos des mesures de réparation écologique sur 10 ha de terrains autour de l’Escaut.

Tereos a renoué avec les bénéfices lors de son exercice 2021-2022 clos fin mars, affichant résultat net de 172 millions d’euros.

Le groupe a connu une grave crise de gouvernance en 2020 et des changements de management successifs.

tmn/zap/clc

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