Port de Cotonou, poumon économique du Bénin en pleine mutation

Des semi-remorques, parfois hors d’âge, avançant avec peine et crachant une fumée noire, attendent leur tour pour entrer dans l’enceinte portuaire charger des marchandises, pendant que d’autres sortent avec des conteneurs ou les citernes remplies de carburant.

Ce port de transit de 300 hectares doit rivaliser avec ses voisins, dans un secteur très concurrentiel en forte croissance du à la progression globale des échanges en Afrique de l’Ouest.

Le Togo a fortement investi dans ses installations portuaires (+18,3% de chiffres d’affaires en 2018), et les géants ivoiriens et ghanéens gardent une place prépondérante dans le commerce maritime de la région.

Abidjan, en Côte d’Ivoire, et Tema, au Ghana, peuvent accueillir des navires plus gros car les bassins sont plus profonds et plus étendus (le plan d’eau à Abidjan est de 1.000 ha contre 80 à Cotonou), le coût de passage est moins élevé et les délais plus rapides.

– Transit –

Toutefois, le port de Cotonou a multiplié les efforts pour se débarrasser de sa mauvaise image et de ses délais d’attente interminables.

Le Bénin veut tirer profit de sa position géographique et reste un point de transit, notamment vers le géant nigérian, un marché de 190 millions d’habitants totalement congestionné à quelques dizaines de kilomètres à peine de Cotonou, et vers les pays de l’hinterland.

Quelque 49% du trafic d’importation est d’ailleurs destiné aux pays privés de littoral, et notamment vers le Niger, qui reste fidèle à son voisin et partenaire béninois (3,9 Mt importées en 2018 via le Bénin).

« Cotonou est notre port naturel », explique Chaibou Attahy, représentant d’une association de transporteurs du Niger. « Mais s’il a gagné en célérité, enlever un conteneur reste beaucoup plus cher, donc ça pose la question de la compétitivité », met-il en garde.

Ainsi, pour redynamiser ce secteur essentiel au pays, le président Patrice Talon a décidé de reprendre les choses en main.

En effet, le port de Cotonou contribue à plus de 60% au PIB et mobilise plus de 90% des ressources intérieures. Le petit pays d’Afrique de l’Ouest ne peut pas se permettre de se laisser distancer.

Début 2018, son gouvernement a confié la gestion du Port autonome de Cotonou, la structure administrative, au Port d’Anvers International (PAI), dans un souci de réorganisation et restructuration de l’administration: informatisation des services, diffusion d’un code de bonne conduite, formation du personnel,…

L’annonce avait alors provoqué une levée de boucliers des syndicats craignant une privatisation déguisée qui engendrerait des licenciements massifs. Une partie de la presse s’est également élevée contre le bradage du joyau du pays.

L’autorité portuaire a elle seule compte 500 agents et on estime que 10.000 personnes travaillent au port, si on compte les dockers et les employés des entreprises sous-traitantes.

– 450 millions d’euros d’investissements –

Treize agents ont finalement été licenciés mais plusieurs techniciens ont été recrutés, se défend PAI, qui affirme vouloir surtout « changer les mentalités » dans un secteur réputé gangréné par le clientélisme.

« On va à la recherche des clients, c’était inexistant avant », indique Nele Voorspoels, directrice commerciale et marketing.

Après cette première phase de réajustement, des travaux colossaux vont démarrer en 2020, le plan d’investissement de 300 milliards de FCFA (450 millions d’euros) ayant été validé par le gouvernement.

« On va faire du port autonome de Cotonou une plateforme logistique innovante, sécurisée et fiable au service des échanges internationaux », ambitionne Joris Thys, son directeur général. « On veut que les entreprises internationales de manutention et de logistique viennent investir ».

De son côté, le ministre des Infrastructures et des Transports Alassane Seidou se réjouit d’un chiffre d’affaires en augmentation de 16,35%, avec un résultat net de 1,4 milliards de FCFA en 2018 (plus de 2 millions d’euros).

C’est aussi le résultat d’une réforme en profondeur de la douane, dont les programmes de vérification des importations ont été confiés à Bénin Control dès 2011, une société dont l’actionnaire principal est aujourd’hui Olivier Boko, un proche du président Patrice Talon, que certains n’hésitent pas à qualifier de « deuxième homme » du pays.

Un autre proche du président, Eustache Kotingan, dirige d’ailleurs Atral, importante société de logistique qui travaille dans le port.

Le gouvernement a fait appel à l’expertise belge pour rendre son port plus compétitif et s’est désengagé, au moins pour un temps, de sa gestion, mais le pouvoir semble garder indirectement la main sur la porte d’entrée du pays.

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