Redresser le Concordia, « un peu comme dans les montagnes russes »

Tel une rockstar, le « senior salvage master » a été accueilli par des hurlements et des applaudissements à la fin de la rotation à 2H00 GMT. « Toute l’équipe est fière d’avoir réussi un tel +challenge+, d’autant plus que beaucoup pensait que c’était infaisable », a-t-il déclaré.

Tout sourire mais les yeux gonflés de fatigue, cet expert de 52 ans, a admis qu’il jouait sa réputation sur ce projet, « le plus grand défi auquel il ait dû faire face ».

En y repensant lors d’une conférence de presse mardi après-midi, le Sud-Africain, a évoqué, les larmes aux yeux, « un grand moment d’émotion » qu’il était « heureux d’avoir partagé avec (sa) femme », venue tout exprès d’Afrique du Sud pour ce moment crucial.

Flattant l’orgueil de l’Italie, qui selon les médias locaux, jouait-là sa crédibilité sous les yeux de 400 journalistes du monde entier, le Sud-Africain a remercié les entreprises locales : « très peu de pays au monde aurait pu tenir les délais d’un tel projet ».

Cette opération, inédite par la dimension et la nature du navire, échoué depuis le 13 janvier 2012 à quelques mètres de l’île du Giglio, a nécessité plus d’un an et demi de préparation pour 500 professionnels de 26 nationalités. Le redressement lui-même a duré une vingtaine d’heures à partir de 7H00 GMT lundi.

Sous la direction de Sloane, onze experts en renflouement, informaticiens, ingénieurs navals, ont supervisé la rotation depuis une « salle de contrôle » installée sur la barge flottante Pollux.

Ces « onze magnifiques », comme l’Italie les surnomme à présent, sont dix hommes et une femme, des Britanniques, des Allemands, un Belge et des Italiens. Parmi eux, deux pilotes de robots sous-marins télécommandés, des ingénieurs (en informatique, hydraulique, électronique) et une architecte.

Dès le début, tous ont cru à cette technique de rotation à l’aide de trévires (« parbuckling »), jamais réalisé sur un bâtiment de cette taille. Pendant le processus, chacun est resté les yeux rivés sur des écrans d’ordinateur ou retransmettant les images prises en surface et sous l’eau, dans une pièce de sept mètres et demi sur six.

Le silence le plus total accompagnait les ordres donnés par Nick Sloane et la surveillance des moindres variations des instruments de contrôle.

« L’atmosphère était très tendue, on savait qu’on était attendu au tournant », a-t-il raconté. La première phase a été la plus délicate, puis ensuite, « quand on a vu que tout fonctionnait bien, on a commencé à se détendre un peu ».

Grâce à deux câbles reliant le Pollux au navire, les experts activaient les vérins hydrauliques, ouvraient et fermaient les valves sur des caissons flottants, recevaient des informations sur l’inclinaison du navire.

« Nous savions qu’aujourd’hui (mardi, ndlr) le temps allait empirer et qu’il fallait faire vite, donc on a accéléré le processus pour qu’à 04h00 du matin, tout soit terminé », a-t-il expliqué.

Ce n’est qu’alors qu’il a pu dire aux autres bateaux « le Concordia est droit », via la radio de la salle de contrôle.

Un centre opérationnel que le nouvel héros du Giglio rêve de remplacer par un jardin où il « se verrait bien faire un barbecue ». Avant de « prendre trois semaines de vacances » chez lui… car Nick Sloane a encore du pain sur la planche: le renflouement du paquebot et son remorquage pour un port -encore inconnu- où il sera dépecé.

Dans l’euphorie générale, Nick Sloane a toutefois eu une pensée pour les 32 victimes du naufrage, et même pour le capitaine du Concordia, Francesco Schettino, dont le procès reprend lundi. « Je n’aimerais pas être à sa place, a glissé le sauveteur de bateau. C’est le pire cauchemar pour un capitaine ».

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