« Nous sommes arrivés à un résultat concret, réel et précieux, puisqu’il contribue à l’avenir des stocks de poissons et à l’avenir de l’industrie de la pêche », s’est félicité le ministre irlandais de la Pêche Simon Coveney, dont le pays préside actuellement l’UE.
« Nous avons tiré les leçons de la politique de la pêche actuelle, qui a été un échec dans certains domaines », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.
Le compromis prévoit de limiter à 5% la quantité des poissons pouvant être rejetés par-dessus bord car trop petits, abîmés ou hors quotas, et qui représentent aujourd’hui jusqu’à un quart des prises de l’UE.
Mais cette possibilité de rejeter des captures, qui pour la plupart meurent par la suite, ne sera pas automatique.
« Les rejets seront réduits à zéro. Les pêcheurs auront droit à un pourcentage de rejet de 5% seulement à titre exceptionnel et sur demande particulière », s’est réjouie la rapporteure du Parlement, la socialiste allemande Ulrike Rodust. « Il faut que les Etats membres s’adressent à la Commission pour obtenir l’autorisation de cette exception ».
Incités a priori à davantage de sélectivité par l’obligation de débarquer leurs captures, les pêcheurs devront montrer qu’ils ne peuvent éviter les prises accessoires, a précisé Simon Coveney sur la radio irlandaise RTE alors que les détails de l’accord n’ont pas encore été dévoilés.
Pour les sociaux-démocrates (S&D) français du Parlement, la question des rejets aurait dû trouver une issue « plus efficace »: « les législateurs ont préféré le choix du débarquement et la création d’une filière de farines animales plutôt que le développement de la sélectivité et la modernisation des engins et des navires de pêche », ont-ils regretté dans un communiqué.
Le Parlement, qui prônait une interdiction totale de cette pratique, s’est en partie aligné sur les Etats membres, qui avaient eux-mêmes accepté dans la douleur à la mi-mai d’assouplir leur position de 7% à 5% pour contenter les eurodéputés tout en satisfaisant les grandes puissances de pêche comme la France et l’Espagne.
« Au début nous ne voulions aucune exception. Nous avons accepté ces rejets car nous comprenons que c’est un pas tellement énorme pour l’industrie de la pêche qu’il faut pouvoir prévoir des exceptions dans certains cas », a expliqué Mme Rodust, saluant « un très bon compromis ».
« Une obligation totale de débarquer aurait été inapplicable pour les professionnels », a estimé le vice-président de la commission de la Pêche du Parlement, Alain Cadec, du groupe conservateur PPE.
Mais pour pouvoir entrer en vigueur dès 2014, la réforme de la Politique commune de la pêche (PCP) doit encore être adoptée en séance plénière du Parlement et par les représentants des 27 Etats de l’UE.
L’UE est la troisième puissance de pêche mondiale derrière la Chine et le Pérou, mais ses ressources halieutiques déclinent: 39% des stocks de poissons en Atlantique et 88% en Méditerranée et en mer Noire sont affectés par la surpêche, selon des chiffres publiés jeudi par la Commission.
Les quotas seront désormais déterminés strictement sur la base des avis scientifiques et fixés au niveau régional, un nouveau mode de décision qui mettra le holà aux batailles nocturnes entre ministres à Bruxelles sur les quantités de poissons pouvant être pêchées selon les espèces et les zones.
Les quotas devront tenir des objectifs de rendement maximal durable (RMD): ne pêcher que le strict nécessaire pour ne pas menacer la reconstitution des stocks de poissons dès 2020, et « là où c’est possible » à partir de 2015.
« C’est en bonne voie pour un bon nombre de stocks. D’ici à 2020, tous les stocks de poissons gérés par quotas seront fixés selon le RMD », a souligné M. Coveney.
La réglementation européenne s’appliquera aussi en dehors des eaux européennes, a par ailleurs indiqué la commissaire européenne chargée du dossier, Maria Damanaki.
Les organisations environnementales ont salué l’accord, même s’il manque encore d’ambition à leurs yeux. Il « crée un précédent en faveur d’une politique responsable de la pêche après 30 ans de mauvaise gestion », s’est félicité Ocean2012.
« Pour la première fois, l’UE reconnaît la valeur des pêcheurs artisanaux en insistant sur la nécessité de critères sociaux et environnementaux dans l’attribution des quotas », a souligné Greenpeace.
Mais « le succès d’une politique dépend de deux choses: de ce qui est écrit et de la manière dont elle est appliquée », a relevé une autre ONG, Oceana.