« Le scandale des autorisations de pêche au Sénégal » commence en mars 2010 avec une série d’arrêtés ministériels illégaux permettant à des chalutiers industriels battant pavillon étranger de pêcher dans la Zone économique exclusive (ZEE) du Sénégal, explique Greenpeace dans ce document intitulé « Main basse sur la sardinelle ».
La sardinelle, surnommée « Yaboye » au Sénégal, est le poisson le plus couramment commercialisé et accessible aux ménages à faibles revenus.
Le rapport est basé sur une enquête de 25 mois « sur le pillage organisé des ressources pélagiques (espèce évoluant dans les zones de pleine mer et qui se déplacent en bancs, NDLR) entre mars 2010 et avril 2012 », qui s’est traduit par « l’octroi de véritables +permis de piller+ » à ces chalutiers, selon l’ONG.
En dépit de diverses protestations, d’autres autorisations « illicites » seront délivrées à des navires principalement russes et européens, qui « pilleront » les eaux sénégalaises jusqu’à avril 2012: « c’est comme s’ils pêchaient dans leur étang, ils faisaient ce qu’ils voulaient et toutes les infractions que ces bateaux commettaient n’étaient pas poursuivies! », a déclaré à la presse Raoul Monsembula, un des responsables de Greenpeace-Afrique basé à Dakar.
Le rapport indique que sur 44 chalutiers ayant bénéficié de ces autorisations entre octobre et novembre 2011, 29 ont « effectivement exercé une activité de pêche dans la ZEE du Sénégal entre décembre 2011 et avril 2012 ».
« Ces 29 navires ont déclaré un volume de capture total de plus de 125.000 tonnes (plus les captures nécessaires pour la production de 3.500 tonnes de farine de poissons), soit l’équivalent de la moitié des captures annuelles de l’ensemble de la pêche sénégalaise » d’espèces pélagiques « déjà sévèrement surexploitée », ajoute-t-il.
En contrepartie des prises, les armateurs devaient verser au Trésor sénégalais 35 dollars (27 euros) par tonne selon un document officiel de l’époque, ce qui constitue « un bradage », a déclaré Raoul Monsembula.
Selon le rapport, au moins deux armateurs russes ont indiqué avoir payé 120 dollars (93 euros) par tonne, ce qui laisse supposer d’énormes montants de droits de pêche « non déclarés et non perçus par le Trésor sénégalais ».
Pour Greenpeace, qui dénonce une « kleptocratie maritime », « ce pillage (a été) orchestré avec la complicité de hauts responsables du gouvernement sénégalais de l’époque », durant le régime d’Abdoulaye Wade, président du Sénégal de 2000 à 2012, battu au second tour de l’élection présidentielle en mars dernier par Macky Sall.
L’ONG met en cause nommément le ministre de l’Economie maritime de l’époque, Khouraïchi Thiam.
Le 30 avril, le Sénégal a annulé ces autorisations de pêche controversées, indique l’ONG, en exhortant les nouveaux dirigeants à lancer un audit sur ce dossier, poursuivre « les personnes impliquées dans le pillage organisé des eaux sénégalaises » et mettre sur liste noire les navires et sociétés impliqués.
La pêche, un des principaux secteurs pourvoyeurs de devises du Sénégal, est depuis plusieurs années frappée par une raréfaction de la ressource et une diminution des revenus des pêcheurs.
Selon Greenpeace, « le secteur de la pêche artisanale fournit environ 60.000 emplois indirects et contribue, directement et indirectement, à assurer un revenu à environ 600.000 personnes ».