SNCM: le tribunal de commerce de Marseille se prononce sur la cessation de paiement

Transdev, le principal actionnaire, a réclamé début novembre à la SNCM de rembourser de manière anticipée 103 millions d’euros de prêts qu’il lui avait accordés, et Veolia, co-actionnaire de Transdev, 14 millions. Face à ces demandes, la direction a officiellement déposé le 4 novembre le bilan de la compagnie, dans l’incapacité de rembourser ces prêts. Celle-ci assure la desserte de la Corse et du Maghreb, compte 2.000 salariés dont 1.500 CDI et fait vivre de nombreux sous-traitants à Marseille.

Première hypothèse: le tribunal ne reconnaît pas la cessation de paiement et aucune procédure n’est engagée.

Deuxième hypothèse: l’état de cessation de paiement est entériné et la SNCM est placée en redressement judiciaire, voire en liquidation judiciaire ou faillite.

Le redressement judiciaire permettrait, selon les actionnaires et la direction, d’annuler les condamnations européennes dont la SNCM fait l’objet – plus de 400 millions d’euros d’aides publiques à rembourser – et de trouver un repreneur.

Jean-Marc Janaillac, PDG de Transdev, avait fait état début novembre de plusieurs repreneurs potentiels, « de l’ordre de cinq ou six, des compagnies sérieuses, venues de différents pays européens », qui étudiaient le dossier.

Mercredi, lors d’une audience à huis clos, le tribunal a entendu le président du directoire de la compagnie, Olivier Diehl, qui a de nouveau plaidé en faveur du redressement judiciaire.

En revanche les avocats du comité d’entreprise, également présents, ont réfuté la cessation de paiement. La CFE-CGC a dénoncé « une position de cessation de paiement organisée » alors que la compagnie dispose selon elle de « 35 millions d’euros disponibles en banque » et d’un actif naval qui serait évalué à 220 millions d’euros.

– « Risque de catastrophe sociale » –

Les salariés, actionnaires à hauteur de 9%, craignent la liquidation pure et simple de la société à brève échéance. Frédéric Alpozzo, représentant CGT des marins, dénonce « une faillite frauduleuse organisée » alors que la compagnie ne connaît « pas de difficultés réelles et insolubles ». « C’est l’actionnaire qui provoque la faillite de sa société, (…) au détriment de l’emploi et avec un risque de catastrophe sociale et économique », a-t-il déclaré jeudi à l’AFP.

La liquidation judiciaire, « c’est toujours un risque, avait admis mercredi M. Diehl. Je pense (…) qu’il vaut mieux chercher à aller le plus rapidement possible pour trouver des solutions, plutôt que d’attendre d’être face au mur ». « Nous pensons que nous pourrons amener des dossiers solides auprès du tribunal », avait-il commenté, interrogé sur des discussions avec des repreneurs potentiels.

La recherche d’un repreneur reste conditionnée au maintien de la délégation de service public (DSP) accordée jusqu’en 2024 pour la desserte de la Corse à la SNCM, en partage avec la Compagnie méridionale de navigation (CMN).

« C’est un enjeu fondamental sur lequel le gouvernement est entièrement mobilisé dans une discussion complexe avec la Commission européenne », a assuré le secrétaire d’Etat aux transports, Alain Vidalies, plaidant lui aussi pour un redressement qui « ouvrirait une possibilité de reprise de l’entreprise ».

Mais « en cas d’impossibilité (…), la question sera très claire: l’Etat et les actionnaires assument-ils la liquidation de l’entreprise? », interpelle Pierre Maupoint de Vandeul (CFE-CGC).

Les organisations syndicales estiment que le passage par le tribunal de commerce n’offre aucune garantie sur l’effacement des condamnations européennes mais permettra aux actionnaires de lancer un plan social à moindre frais.

La direction de la compagnie a défini pour l’avenir un « périmètre à l’équilibre » qui comprendrait entre 800 et 1.000 emplois.

La Société nationale Corse Méditerranée est née en 1976 pour assurer la continuité territoriale entre la Corse et le continent. Depuis 1996, elle subit la concurrence de Corsica Ferries. Cette compagnie franco-italienne l’a dépassée en 2004 en nombre de passagers transportés vers la Corse et multiplié les plaintes devant la justice européenne, dénonçant les aides publiques à la SNCM, incompatibles selon elle avec les règles européennes sur la concurrence.

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