TENDANCE : L’huître qui pousse en terre, plante gastronomique

Légèrement craquante sous la dent, fortement iodée, Mertensia maritima pour son nom savant, plante huitre ou huitre végétale comme on la rencontre en ce moment aux étals de Rungis et en saison chez les pépiniéristes aventureux, ne paie pas de mine: une rampante qui étire ses feuilles aux reflets gris argenté et produit des petites fleurs bleu-mauve, au comble du bien-être les pieds dans le sable et la tête dans les embruns.

Mais cette apparente rusticité cache une plante complexe et difficile à acclimater, confient les jardiniers.

Hugues Le Cieux, un Normand échoué sur le bassin d’Arcachon qui fut parmi les premiers (LE premier jure-t-il) à relancer la culture de la Mertensia maritima – une expérience osée au pays des huîtres, les vraies – convient avoir essuyé « beaucoup d’échecs ». « J’ai mis trois ans à bien connaître la bestiole qui m’a donné des insomnies et quelques rides », plaisante-t-il.

Le démarrage en particulier est lent et capricieux. A la différence d’une graine de persil qui décolle après trois jours de trempage, « celle de Mertensia pourrait traverser l’Atlantique ça lui ferait ni chaud ni froid » assure-t-il.

Pourtant, une fois installée, elle résiste à des températures extrêmes et c’est ainsi qu’on la retrouve en Sibérie, en Alaska ou en Islande.

Quand il parvient à la relancer en 2007 dans son Jardin des Senteurs, Hugues Le Cieux s’empresse de déposer tous les noms commerciaux pouvant servir à la qualifier: plante à goût d’huître, huître végétale, feuille d’huître, plante à huître végétale du bassin d’Arcachon…

Enfant, il y aura bientôt 60 ans, il l’a croisée à l’état sauvage sur les rivages normands entre Caen et Bayeux. Mais à force d’être arrachée par les vacanciers d’après-guerre, cette plante qui déteste les déracinements a fini par disparaître.

« Découverte et décrite il y a 200 ans sur les littoraux d’Europe, c’est une plante aujourd’hui protégée », confirme Arnaud Darsonval, directeur de la Ferme Sainte-Marthe. « Comme une orchidée, il est interdit de la cueillir quand on la croise ».

La Ferme Sainte-Marthe en Anjou, fondée par Philippe Desbrosses, le pape du bio en France, connu pour sa passion de la conservation et de la diversité, s’adonne elle aussi à la multiplication de la Mertensia maritima depuis que la gastronomie l’a remise au goût du jour.

Sur mesclun ou en tartines

« On a beaucoup de restaurateurs, en particulier des chefs comme Michel Bras dans l’Aubrac, Marc Veyrat ou Alain Passard qui font eux-mêmes leurs potagers et viennent se fournir en plants chez nous. Ce sont ces grands chefs qui ont relancé la Mertensia et les blogueurs, à l’affût de goûts nouveaux, l’ont popularisée », explique M. Darsonval.

Lui l’aime « posée sur un mesclun mélangé à une pointe de roquette, assaisonnée d’une pincée de fleur de sel et d’huile d’olive. Avec un bon verre de muscadet ».

Les blogueurs la recommandent en tartine, de préférence de seigle avec une noisette de beurre salé – ou pas.

Hugues Le Cieux propose de faire découvrir l’huître végétale posée sur une noix de Saint-Jacques poêlée. Mais son ami, le cuisinier bordelais Pierrick Célibert en fait volontiers un beurre aromatisé.

De toutes façons, elle ne se consomme que crue et ne supporte pas la cuisson.

Plante de saion qui trouve son plein épanouissement gustatif entre le printemps et l’été, Mertensia maritima est cultivée sous serre aux Pays-Bas pour répondre à la demande des restaurateurs en hiver: c’est celle qu’on trouve pour les fêtes en barquette à Rungis.

Hugues Le Cieux affirme que la version néerlandaise, produite à grande échelle, est « moins goûteuse » que la sienne, bio et artisanale en pleine terre. D’ailleurs, une enseigne de la grande distribution a tenté de faire affaire avec lui mais il a refusé de changer d’échelle.

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