Il s’agit de la première confrontation militaire ouverte entre la Russie et l’Ukraine depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014 et l’éclatement la même année d’un conflit armé dans l’est de l’Ukraine entre forces ukrainiennes et séparatistes prorusses qui a jusqu’à présent fait plus de 10.000 morts.
Accusés d’avoir franchi illégalement la frontière russe, cinq marins ukrainiens, sur les 24 faits prisonniers dimanche, ont été placés « en détention provisoire jusqu’au 25 janvier », conformément à la décision d’un tribunal de Simféropol, le chef-lieu de la Crimée, a déclaré à l’AFP la déléguée pour les droits de l’Homme de la péninsule, Lioudmila Loubina.
Au total, une douzaine de marins ukrainiens doivent être présentés mardi devant un juge, les autres étant censés comparaître mercredi.
L’accrochage entre des gardes-côtes russes et les bâtiments de la Marine ukrainienne s’est produit en mer Noire dimanche soir, lorsque ces derniers ont tenté de traverser le détroit de Kertch pour entrer dans la mer d’Azov, une petite mer d’une importance cruciale pour les exportations de céréales ou d’acier produits dans l’est de l’Ukraine.
Les gardes-côtes russes, qui dépendent des services de sécurité (FSB), ont arraisonné par la force deux vedettes et un remorqueur ukrainiens, les accusant d’être entrés illégalement dans les eaux territoriales russes, capturant la vingtaine de marins à leur bord.
L’incident a été qualifié de « provocation » par la Russie, tandis que l’Ukraine a dénoncé un « acte d’agression » de Moscou, réclamant la libération de ses marins et le retour de ses navires.
– « Sérieuse préoccupation » –
En réponse, le Parlement ukrainien a voté lundi l’introduction de la loi martiale dans les régions frontalières de l’Ukraine, le président Petro Porochenko ayant expliqué cette initiative, sans précédent depuis l’indépendance de cette ex-république soviétique en 1991, par « la menace extrêmement élevée » d’une offensive terrestre russe.
Son homologue russe Vladimir Poutine a pour sa part mis en garde mardi l’Ukraine contre tout acte « irréfléchi » après cette décision et fait part de sa « sérieuse préoccupation » à la chancelière allemande Angela Merkel, au cours d’un entretien téléphonique, lui demandant de faire pression sur Kiev.
La loi martiale, qui entrera en vigueur mercredi matin en Ukraine dans une dizaine de régions frontalières, notamment de la Russie, du Bélarus et à proximité de la mer d’Azov, va permettre pendant un mois aux autorités ukrainiennes de mobiliser ses citoyens, de réguler l’activité des médias et de limiter les rassemblements publics.
Aux yeux de Vladimir Poutine, « il est évident que tout cela a été fait en lien avec la campagne électorale en Ukraine » où l’élection présidentielle est prévue pour le printemps 2019.
Pour sa part, la Russie assure avoir agi « en stricte conformité avec le droit international » et accuse Kiev de chercher « un prétexte pour renforcer les sanctions » de l’UE et de Washington contre la Russie, déjà en place depuis 2014.
La question de nouvelles sanctions européennes sera à l’étude à l’occasion d’une réunion en décembre, a annoncé mardi la ministre autrichienne des Affaires étrangères dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.
L’incident, qui est intervenu à quelques jours du sommet du G20 en Argentine, a suscité un tollé en Ukraine et chez ses alliés occidentaux, l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, ayant notamment dénoncé lundi une action « illégale » de la Russie au cours d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité.
– Appels à la retenue –
« La France en appelle aux parties pour qu’elles favorisent un apaisement de la situation et que chacun fasse preuve de retenue », a quant à lui déclaré mardi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian à l’issue d’un entretien avec son homologue russe Sergueï Lavrov à Paris.
Ces incidents sont les derniers en date à être survenus dans le contexte d’une lente montée des tensions autour du détroit de Kertch qui sépare la péninsule de Crimée du territoire russe.
La Russie revendique le contrôle de ce détroit, unique passage maritime entre la mer Noire et celle d’Azov.
Lundi soir, des médias russes ont diffusé des extraits vidéo d’interrogatoires de marins capturés dans lesquels un homme présenté comme un capitaine affirme notamment que les déplacements de son navire étaient une « provocation », répétant la version de faits avancée par Moscou.
Le commandant de la marine ukrainienne, Igor Vorontchenko, a qualifié ces déclarations de « mensonges » proférés, selon lui, « sous pression ».
De son côté, le Service de sécurité ukrainien (SBU), l’équivalent des services de renseignement, a admis mardi dans un communiqué que certains de ses « officiers » se trouvaient à bord des navires arraisonnés par les gardes-côtes russes.