En 2013, la quantité de thon rouge sur cette zone est remontée à 585.000 tonnes pour ce qui est du stock reproducteur. Soit le double du niveau observé dans les années 50, selon le comité scientifique de la Cicta, la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique, dont les membres (l’UE et 47 Etats) se réunissent du 10 au 17 novembre.
Chaque Etat fera connaître en cours de semaine sa position sur le quota, actuellement fixé à 13.500 tonnes annuelles. D’ores et déjà, en France, le comité national des pêches réclame un « relèvement progressif », à 18.500 pour 2015 et 23.500 pour 2016.
Au grand dam des défenseurs des océans, qui demandent un maintien de la limite « autour » de son niveau actuel, arguant de la nécessité de consolider les acquis.
Au coeur d’un grand combat mené par les écologistes, le « thunnus thynnus » revient en effet de loin: son stock au milieu des années 2000 était tombé à 150.000 tonnes.
Devant la menace d’une inscription sur la liste des espèces en voie de disparition de l’Onu, alors que les prises totales atteignaient 50.000 tonnes par an dans les années 90-2000, la Cicta finit par prendre des mesures drastiques, suivant les avis scientifiques: le quota a été ramené de 28.500 en 2008 à 22.000 en 2009, puis 12.900 en 2011, le tout accompagné de strictes mesures de contrôle.
Aujourd’hui, « on a énormément de signes positifs d’un rétablissement du stock, mais ce n’est pas sûr à 100%, ni que ce soit cette année, dans un an, deux, trois… », prévient Sylvain Bonhommeau, chercheur à l’Ifremer et membre du comité scientifique de la Cicta, évoquant notamment un manque de données.
Les scientifiques de la Cicta n’ont ainsi pu s’accorder sur une recommandation concernant une hausse des quotas, dont ils jugent en tout cas qu’elle doit rester « modérée » dans l’immédiat.
– le thon rouge, cas exemplaire –
« Ca va être rude », anticipe Amanda Nickson, de l’ONG Pew Environment, observatrice à la conférence, qui se déroulera à huis-clos.
Cette remontée des stocks « est une bonne nouvelle, mais il va y avoir un énorme pression de l’industrie. Le test sera: est-ce que les gouvernements continueront à suivre la science ou risqueront-ils un retour aux mauvais jours? », souligne-t-elle. Passer à 23.000 tonnes en deux ans, « c’est +50% par an, ce n’est pas ce que j’appelle +modéré+! »
« Ca va mieux car des choses ambitieuses ont été réalisées », note François Chartier, de Greenpeace: « réduction du quota, plans de contrôle, navires militaires – une activité de pêche surveillée par l’armée, ça montrait l’ampleur du problème! »
« S’il doit y avoir une augmentation des quotas – ce qui est politiquement inévitable – elle doit être la plus progressive possible, » ajoute-t-il, dénonçant aussi la persistance d’une pèche illégale.
Ce qu’appuie son collègue du WWF: « Cette année, il faudra résoudre les problèmes de traçabilité. A cette condition, on pourra parler de relever les quotas », relève Sergi Tudela, évoquant les « lacunes » des documents de capture.
« Il y a juste quelques années, la crédibilité du système de gouvernance était en danger. En sauvant le thon rouge, la Cicta s’est sauvée elle-même », ajoute M. Tudela. « Le thon rouge est central aussi car les mesures prises pour lui pourraient être appliquées à d’autres pêcheries ».
De fait, d’autres espèces préoccupent aujourd’hui les observateurs, notamment le « thon tropical », dont l’albacore.
Le cas des requins, certains de plus en plus vulnérables à la pêche, devrait revenir aussi sur la table à Gênes.
Tout comme la question de la prolifération des DCP, les « dispositifs de concentration de poissons », abris artificiels flottants où se réfugient toutes sortes d’espèces ainsi pêchées de manière indifférenciée. Un problème soulevé aussi par les pêcheurs français, face à leurs concurrents espagnols.