Q: La France est-elle victime d’ingérences de l’Azerbaïdjan sur le dossier néo-calédonien ?
R: « L’Azerbaïdjan essaie de nous rendre la monnaie de notre pièce sur le dossier arménien en influençant de façon ouverte et publique les camps indépendantistes, mais il n’a pas les moyens suffisants pour déclencher des émeutes. Cela peut contribuer à entretenir un climat délétère mais je ne pense pas que cela soit à l’origine des violences. En revanche, s’il y a des ingérences beaucoup plus invisibles à craindre, ce sont celles de la Chine. La Chine attend que la Nouvelle-Calédonie lui tombe dans les mains comme un fruit mûr. Le danger vient de là. »
Q: Pourquoi ?
R: « La Chine veut être dans son pré carré en Mer de Chine mais également prépondérante dans le Pacifique: elle a besoin de nickel pour produire ses batteries, or très peu de régions en produisent dans le monde. Elle a un intérêt réel à chasser la France, l’un de ses ennemis, du Pacifique; et elle peut profiter de la position stratégique de l’archipel. Pour toutes ces bonnes raisons, la Nouvelle-Calédonie est une proie tentante pour la Chine. C’est une cible idéale et il faut s’y intéresser avant que ce soit trop tard. »
Q: Doit-on lier ces suspicions d’ingérence avec l’interdiction de TikTok, dont la maison-mère est chinoise, sur le territoire ?
R: « Bien sûr. TikTok récupère des milliards de datas qui vont directement en Chine. C’est déjà une forme d’espionnage économique considérable. Si jusque-là TikTok n’avait pas d’usage direct en termes de manipulation d’élections ou de données politiques, tout cela est en train de se produire. Il est certain que les Chinois ne vont pas se priver de laisser grand ouvert leur réseau dans le contexte actuel. Il se passe exactement la même chose qu’avec Russia Today et Sputnik (des médias russes interdits en France après l’invasion de l’Ukraine, NDLR). Je comprends parfaitement l’interdiction de TikTok dans un contexte où ce réseau social est en train d’exacerber les émeutes, ce qui constitue une ingérence directe dans les affaires intérieures de la France. »
Q: Faut-il aller plus loin sur cette interdiction, notamment en métropole ?
R: « Cela pose différents problèmes, car la police des réseaux sociaux a été transférée à l’Europe. Mais la Commission européenne, à défaut d’interdire, devrait exiger que TikTok assure qu’aucune data n’est envoyée en Chine, que la modération est suffisante, qu’elle est efficace et qu’il n’y a pas d’opération de censure ou de désinformation en cours. Il est urgent d’agir. On ne peut pas laisser nos données nourrir l’intelligence artificielle chinoise, abrutir nos enfants et faire de la désinformation sans modération. La situation en Nouvelle-Calédonie en est la démonstration: il est temps que la France soit beaucoup plus pressante avec la Commission européenne. »