Après plus de 15 ans de discussions informelles puis formelles pour accoucher d’un texte contraignant visant à sauvegarder cette vaste zone qui couvre près de la moitié de la planète, les appels à ce que cette 5e session soit enfin la dernière se sont multipliés ces derniers mois.
Mais, à quelques heures de la clôture officielle des négociations, la nouvelle version du traité distribuée vendredi matin aux délégués, vue par l’AFP, comportait toujours de nombreux paragraphes ouverts à négociations.
La plénière prévue à midi (16H00 GMT) a été annulée pour permettre de poursuivre les consultations, qui selon plusieurs observateurs pourraient se poursuivre dans la nuit de vendredi à samedi.
Parmi les sujets explosifs, la répartition des possibles bénéfices issus de l’exploitation des ressources génétiques de la haute mer, où industries pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques espèrent découvrir des molécules miraculeuses.
Répondant aux demandes des pays en développement qui craignent de passer à côté de retombées potentielles faute de pouvoir conduire ces recherches coûteuses, le dernier projet de texte laisse sur la table la redistribution initiale de 2% — et à terme jusqu’à 8%– des futures ventes de produits issus de ces ressources qui n’appartiennent à personne. Mais toujours entre crochets, signifiant l’absence d’accord.
Greenpeace a d’ailleurs accusé jeudi l’UE, les Etas-Unis et le Canada de précipiter ces négociations vers un échec en raison de leur « avidité » à garder ces ressources pour eux. « Ce n’est même pas de l’argent réel, juste une hypothèse pour l’avenir, c’est ça qui est vraiment frustrant », a déclaré à l’AFP Will McCallum, un responsable Océans de l’ONG.
Accusations rejetées par un négociateur européen qui a assuré à l’AFP que l’accord « doit inclure un partage juste des bénéfices des ressources marines génétiques au niveau mondial ».
Ces questions d’équité Nord-Sud traversent de nombreuses négociations internationales, en particulier les négociations climat où les pays en développement victimes mais pas responsables du réchauffement réclament en vain aux pays riches de respecter leurs promesses d’aide financière.
– « Trop près du but pour échouer » –
Malgré tout, l’annulation de la plénière a créé un certain espoir, cette décision pouvant être interprété comme une volonté de la présidence d’éviter de programmer une 6e session.
« C’est la dernière étape et les délégués travaillent dur pour parvenir à un accord », a déclaré à l’AFP Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts.
« Nous sommes trop près du but pour échouer », a insisté cette semaine Jihyun Lee, du collectif d’ONG Alliance pour la Haute mer. « Nous pouvons le faire, mais les pays, en particulier ceux qui s’affirment défenseurs des océans, doivent montrer plus d’ambition et de flexibilité ».
Ce traité vise spécifiquement la haute mer qui commence où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques (370 km) des côtes, et qui n’est donc sous la juridiction d’aucun pays.
Alors que la bonne santé des écosystèmes marins est cruciale pour l’avenir de l’humanité, notamment pour limiter le réchauffement de la planète, seulement 1% de cet espace, qui représente 60% des océans, est protégé.
Un des piliers du traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » est d’ailleurs d’y permettre la création d’aires marines protégées. « Une étape cruciale dans les efforts pour protéger au moins 30% de la planète d’ici 2030 », a souligné Maxine Burkett, une responsable pour les océans au département d’Etat américain.
Mais les délégations s’opposent toujours sur le processus de création de ces aires, ainsi que sur les modalités d’application de l’obligation d’études d’impact environnementales avant une nouvelle activité en haute mer.
« Ils ont fait beaucoup de progrès depuis le début des négociations il y a deux semaines sur des questions très controversées », a toutefois commenté auprès de l’AFP Klaudija Cremers, chercheuse à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), qui comme plusieurs ONG a un siège d’observateur des négociations. « Cela pourrait être le coup de pouce pour un accord ».