Transdev installe un nouveau capitaine à la barre d’une SNCM à l’avenir incertain

Le groupe de transports Transdev, actionnaire majoritaire de la SNCM, a indiqué qu’il présentera le nom d’Olivier Diehl, présenté par l’entreprise comme un « chef d’entreprise expérimenté et reconnu » après une longue carrière dans le domaine du transport.

Le conseil de surveillance s’annonce une fois encore tendu et les échanges vifs entre les trois protagonistes de cet interminable feuilleton.

Grand gagnant du dernier round, Transdev (66%, sept sièges), filiale de Veolia et de la Caisse des dépôts, a amorcé le 12 mai sa reprise en main après plusieurs tentatives infructueuses mais un seul objectif : trouver au plus vite une porte de sortie.

Mais pour installer son nouveau patron, il aura besoin cette fois du soutien de l’Etat (25%, trois sièges). Car si une abstention avait suffi à pousser M. Dufour dehors, il faudra cette fois-ci un vote de soutien pour valider la nouvelle direction.

Les actionnaires salariés (9%, 4 sièges), qui soutenaient la direction évincée et ont vécu le dernier épisode comme une « trahison », se montrent désormais très inquiets pour la survie de leur société. D’autant que M. Diehl devrait être épaulé par Marc François, actuel directeur financier de la SNCM. Déjà membre du directoire, il est « identifié en interne comme un potentiel liquidateur de la société », selon une source proche du dossier.

Avec le départ de M. Dufour, en conflit ouvert avec Transdev depuis plusieurs mois, c’est en tout cas le plan de redressement de la SNCM qui se trouve compromis, en particulier l’achat de quatre navires appelé de leurs voeux par les syndicats.

Le seul repreneur qui se soit fait entendre depuis l’abandon du groupe norvégien Siem Industries a d’ailleurs remis aux calendes grecques le renouvellement de la flotte.

L’armateur en question, Daniel Berrebi, dirigeant de la société américaine Baja Ferries, a en revanche réfuté tout projet de démantèlement, assurant être intéressé par l’ensemble des activités de la SNCM, opérateur historique des lignes reliant la Corse et le continent, mais qui navigue aussi vers le Maghreb.

Au sein de la compagnie aux 2.600 salariés, cette nouvelle a été accueillie avec scepticisme : la CFE-CGC a ainsi dénoncé « une pure mascarade », quand une source proche du dossier l’a accusé de « masquer son projet de prédation » derrière un discours rassurant.

– Menace de grève –

Espérant encore éviter le naufrage, les salariés attendent un sursaut de l’Etat, qui fait figure d’arbitre entre les deux camps et doit aussi gérer le dossier très sensible des contentieux européens. La SNCM est en effet sous le coup d’une double condamnation de Bruxelles à rembourser 440 millions d’euros d’aides jugées illégales.

« Il faut rapidement que les responsables politiques redressent la barre dans ce dossier, sans quoi la CGT mettra tout en oeuvre d’ici au 30 juin pour faire respecter les engagements et préserver l’emploi », prévient Frédéric Alpozzo, délégué CGT-Marins (majoritaire).

Pour les représentants CFE-CGC, Maurice Perrin et Pierre Maupoint de Vandeul, « il n’est pas trop tard pour changer le scénario et réaffirmer les arbitrages fondamentaux qui donneront un avenir » à l’entreprise.

Dans une lettre ouverte en forme d' »alerte sociale », sonnant comme « une semonce » avant le dépôt d’un préavis de grève – qui serait le troisième depuis le début de l’année -, le syndicat de l’encadrement demande au secrétaire d’Etat chargé des Transports, Frédéric Cuvillier, de « cesser et faire cesser les mensonges et manipulations ».

Il y a en tout cas urgence. La SNCM, chroniquement déficitaire depuis sa création il y a un peu plus de 30 ans, a vu chuter ses réservations depuis l’épisode du 12 mai.

Privatisée en 2006 dans des conditions « contestables », selon un récent rapport parlementaire, elle accumule les pertes, confrontée à la concurrence croissante de Corsica Ferries, aux navires battant pavillon italien et aux équipages multinationaux, quand la SNCM opère sous pavillon français « premier registre », aux normes plus contraignantes.

M. Cuvillier avait promis au printemps l’entrée en vigueur en juin du décret dit « Etat d’accueil », un texte anti-dumping social visant à lutter contre cette « distorsion de concurrence ». Or le décret vient d’être repoussé, déplore la CGT, qui y voit un autre signe de la défaillance de l’Etat dans ce dossier.

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