L’Irlande, qui assure la présidence semestrielle de l’UE, a proposé aux Etats de revoir leur position sur la réforme de la politique commune de la pêche (PCP) afin de trouver un terrain d’entente avec le Parlement européen, qui se montre très déterminé pour mettre fin à la surpêche dans l’Union européenne.
« Ce Conseil (des ministres) risque d’être l’un des plus difficiles de ces dernières années », en raison des divergences qui subsistent entre défenseurs des ressources halieutiques et partisans d’un secteur qui génère plusieurs dizaines de milliers d’emplois en Europe, a indiqué la présidence irlandaise. Les négociations, prévues pour s’achever mardi soir, pourraient se prolonger jusqu’à mercredi.
L’objectif est de parvenir à un compromis entre les capitales européennes et le Parlement d’ici à la fin mai.
A défaut d’accord, le dossier sera renvoyé à la Lituanie, qui prendra le relais de la présidence de l’UE en juillet, amenuisant d’autant la possibilité d’aboutir à un accord avant la fin de la législature actuelle du Parlement au printemps 2014.
Une des difficultés consistera à surmonter les réticences de grandes puissances de pêche comme l’Espagne et la France, peu enclines aux concessions selon des ONG comme Greenpeace, Oceana et le WWF.
« Il nous reste beaucoup à faire pour finaliser la position du Conseil (…) et j’espère que mes collègues travailleront avec moi de manière à parvenir à une décision finale sur la réforme très prochainement », a reconnu le ministre irlandais de la Pêche, Simon Coveney.
De source européenne, on estime qu’un accord entre le Conseil et le Parlement est possible, mais que « la négociation sera serrée sur les modalités de la mise en oeuvre de la réforme ».
L’opposition entre Conseil et Parlement se cristallise notamment sur l’interdiction des rejets de poissons, une pratique consistant à jeter par-dessus bord les captures non commercialisables.
Ces poissons devraient être débarqués par les pêcheurs, sans exception, ce qui inciterait ces derniers à davantage de sélectivité dans leurs prises, estime le Parlement.
Si les Etats partagent l’objectif de réduire le gaspillage, plusieurs d’entre eux réclament davantage de flexibilité et prônent des exceptions sur les volumes et les espèces concernées.
La présidence a proposé que 5% des captures puissent être rejetées, mais ce taux qui pourrait être accepté par le Parlement est jugé trop bas par plusieurs pays, dont l’Espagne.
« Il faut prendre en considération les problèmes économiques et sociaux qu’une position drastique peut engendrer », a insisté le ministre espagnol de l’Agriculture, Miguel Arias Canete.
Une autre pierre d’achoppement porte sur l’objectif, défendu par la Commission européenne et le Parlement, de parvenir dès 2015 à ne pêcher que le strict nécessaire pour ne pas menacer la reconstitution des stocks de poissons. Beaucoup d’Etats affirment que cette date n’est pas réaliste et qu’il faut tenir cet objectif seulement « là où c’est possible ».
« A Bruxelles je défends une réforme de la politique des pêches durable et praticable par les professionnels », a expliqué le ministre français Frédéric Cuvillier.
L’UE est la troisième puissance de pêche mondiale derrière la Chine et le Pérou, mais ses ressources halieutiques déclinent: 47% des stocks de poissons en Atlantique et 80% en Méditerranée sont affectés par la surpêche.
Pour éviter l’impasse, le rapporteur du Parlement, la social-démocrate allemande Ulrike Rodust, a assuré dans une lettre à la présidence irlandaise datée du 7 mai que ce dernier était disposé à « faire de gros sacrifices » pour parvenir à un compromis.
La Commission européenne a pour sa part appelé les parties à se montrer conciliantes.
« L’Union européenne est au seuil d’un accord historique qui permettrait de reconstituer les stocks de poissons », a déclaré la commissaire à la Pêche Maria Damanaki.
« Il est de la responsabilité de toutes les institutions de ne pas compromettre un accord final en raison de désaccords sur quelques points de pourcentage, une année ou deux, des règles techniques détaillées ou une lutte pour le pouvoir institutionnel », a-t-elle insisté.