Sur le Piana, navire-amiral de la Méridionale effectuant les liaisons entre la Corse et Marseille, tous les moteurs sont maintenant équipés de filtres novateurs, de drôles de « chaussettes » dans des cylindres métalliques, qui neutralisent une partie des émissions polluantes.
Non seulement ce filtre à particules (Fap) présenté lundi, après trois ans de tests, capture 99% des oxydes de soufre – en conformité avec la législation – mais il élimine aussi 99,9% des particules fines et ultrafines, les plus dangereuses pour la santé humaine.
« Ils vont bien plus loin que ce qu’impose la réglementation, en traitant toutes les émissions de particules », assure à l’AFP Damien Piga, directeur innovation de l’organisme régional de surveillance de la qualité de l’air Atmosud qui ajoute n’avoir « jamais eu connaissance de tels projets », même à travers ses collaborations en Europe et en Asie.
« C’est une solution inédite, une première mondiale », a revendiqué Marc Reverchon, président de la compagnie, à bord du Piana sur lequel est écrit en gros « premier navire au monde zéro particule ».
« Jusqu’à présent pour réduire le niveau d’oxyde de soufre dans le carburant il fallait soit avoir un carburant moins polluant, soit un +scrubber+, (système) qui consiste à +laver+ les fumées à l’eau de mer », souligne Damien Piga d’Atmosud.
Les +scrubbers+, placés dans les cheminés des navires, sont contestés car la plupart des armateurs s’en équipant optent pour un circuit ouvert, avec rejet des polluants en mer.
– Navires branchés à quai –
Pionnière en matière environnementale, la Méridionale, qui transporte fret et passagers jusqu’en Corse ou au Maroc, connectait déjà tous ses navires électriquement à Marseille, « mais ça ne concernait qu’une partie du fonctionnement des navires, quand ils sont à quai », explique Marc Reverchon, quand 80% des émissions se font en mer.
Avec le nouveau filtre, plus aucune fumée ne sort du Piana, sur tout son trajet. Son procédé est déjà éprouvé à terre, de longue date, dans les centrales thermiques par exemple: du bicarbonate de sodium injecté à la sortie des moteurs va réagir chimiquement sur les particules présentes dans les gaz d’échappement, puis finir sa course dans un filtre composé de sacs, sur lesquels il va se déposer et capter les particules et métaux lourds.
« Ils ont +marinisé+ une installation terrestre qui a fait ses preuves », a estimé auprès de l’AFP Guillaume Picard, ex-commandant et chef mécanicien, militant du collectif écologiste « Stop croisières ».
« L’OMI n’impose rien en termes de particules fines, donc rien que pour ça on peut leur tirer notre chapeau », conclut le militant.
En termes de réglementation d’ailleurs, Marc Reverchon s’enorgueillit d’avoir pris une sacrée longueur d’avance, puisque « le Piana est d’ores et déjà conforme aux normes qui entreront en vigueur en 2025 », notamment sur la teneur en soufre des carburants marins qui sera limitée à 0,1% en Méditerranée.
Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, qui a participé à hauteur de 40% au financement du filtre, a estimé que cette initiative d’une petite société pouvait inspirer « les gros », les « croisiéristes »: « Ils n’auront plus de passagers à bord s’ils ne font pas cette évolution ».
Cet été, les fumées noires des navires de croisière, nombreux dans le port de Marseille, ont suscité la colère des riverains, et même du maire de la ville Benoît Payan, qui a interpellé l’Etat et l’OMI.
Le militant Guillaume Picard n’a qu’une interrogation: que vont devenir les déchets produits par le nouveau filtre, des tonnes de résidus. Réponse de la Méridionale: l’entreprise chimique Solvay, qui livre le bicarbonate de sodium, récupère le résidu, et l’enfouit. Mais selon M. Seguinot, directeur technique « ils travaillent à un recyclage du résidu, notamment le bicarbonate qui n’a pas réagi ».
La Méridionale travaille également à réduire drastiquement ses émissions d’oxydes d’azote (Nox), qui constituent une pollution de l’air importante, avec la mise en place, sur les « chaussettes » du filtre Fap, d’un système catalytique, pour des ferries vraiment « zéro émission ».
Globalement la pollution atmosphérique provoque neuf millions de décès chaque année à l’échelle mondiale et son impact économique annuel pour la France est de l’ordre de 100 milliards d’euros principalement en dépenses de santé, selon Atmosud.
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