Vers une reprise du travail à la SNCM, le redressement judiciaire repoussé

« Nous sommes en capacité de proposer une reprise du travail », a déclaré devant la presse le secrétaire général de la CGT de la SNCM, Jean-François Simmarano, à l’issue de ce 3e jour de discussions conduites par le médiateur du gouvernement Gilles Bélier, précisant que des AG des salariés, en grève depuis le 24 juin, étaient prévues jeudi matin.

Le délégué syndical de la CGT Marin Frédéric Alpozzo, plus prudent, a renvoyé à la décision des AG, expliquant que « l’intersyndicale allait se réunir dans la soirée ».

« Un relevé de conclusions a été signé par toutes les parties et doit être approuvé demain matin par les AG. (…) J’espère que les AG voteront demain la reprise du travail », a dit dans une courte déclaration le président de la compagnie Olivier Diehl, souhaitant que « tous nos clients reviennent avec confiance sur nos bateaux ».

Comme le demandaient les organisations syndicales, « la question du redressement judiciaire est écartée jusqu’à la fin de l’année », a indiqué à ses côtés le délégué CFE-CGC des officiers, Pierre Maupoint de Vandeul.

Le moratoire doit durer quatre mois, jusqu’à fin octobre temps qui doit être mis à profit pour une « médiation » pour rechercher une solution de restructuration et organiser un nouvel actionnariat.

La trésorerie est, elle, assurée jusqu’à la fin de l’année, grâce aux 60 millions d’euros de prime d’assurance du navire avarié Napoléon Bonaparte, que les actionnaires voulaient initialement garder sous séquestre pour financer un nouveau plan social, ont précisé les syndicats.

Conséquence de ce compromis: la CGT a annoncé qu’elle allait débloquer « dès ce (mercredi) soir » le Kalliste, navire de La Méridionale bloqué dans le port de Marseille depuis le 1er juillet ».

« Toutes les conditions d’une sortie de crise semblent ce soir réunies », a estimé le secrétaire d’Etat aux Transports Frédéric Cuvillier, dans une courte déclaration transmise en fin de soirée à l’AFP.

Cette avancée notoire dans le dossier SNCM intervient alors que le Premier ministre Manuel Valls avait affiché plus tôt dans la journée sa fermeté, annonçant des « mesures » pour faire cesser le blocage de navires, au moment où reprenaient les négociations entre actionnaires et syndicats de la compagnie.

Répondant à l’exaspération des acteurs économiques corses face à ce mouvement social, Manuel Valls leur a proposé une rencontre à Matignon jeudi, avant d’annoncer que le gouvernement prendrait « toutes les mesures nécessaires » pour débloquer « les navires ».

Le président de la chambre d’agriculture de Corse, Jean-Marc Venturi, a répondu favorablement à cette invitation, jugeant « apaisants » les propos du Premier ministre. Une délégation de sept représentants sera reçue à Matignon jeudi après-midi.

Interrompues pendant plusieurs heures mercredi, les négociations entre actionnaires et syndicats de la compagnie maritime avaient repris peu avant 17H00 en préfecture de Marseille, jusqu’à leur conclusion vers 20h.

– amertume –

Mercredi matin, les syndicats avaient exprimé leur colère contre les propos tenus sur TF1 la veille par Manuel Valls, qui avait de nouveau soutenu une mise en « redressement judiciaire » de la compagnie. De l’aveu même du médiateur Gilles Bélier, cette déclaration avait provoqué un réel « flottement » dans les négociations.

Mercredi soir les représentants syndicaux de fait exprimaient une certaine amertume.

« Valls a jeté de l’huile sur le feu », regrettait M. Maupoint de Vandeul. De son côté, M. Simmarano a estimé que le Premier ministre avait tenté de « torpiller » la négociation.

Le recours au tribunal de commerce, désormais repoussé, était souhaité par Transdev et appuyé par Manuel Valls, qui estiment qu’il permettait d’exonérer la compagnie des lourdes condamnations européennes – 440 millions d’euros de subventions jugées indûment perçues.

Pour les syndicats en revanche, ce passage au tribunal signerait le démantèlement programmé de la compagnie et le risque de perdre la délégation de service public vers la Corse, un marché de plus de 600 millions d’euros qui lui a été attribué jusqu’en 2022.

En Corse, où l’économie commence à être affectée par la grève de l’opérateur historique des liaisons entre l’île et le continent, près d’un millier d’acteurs du monde économique se sont rassemblés dans la matinée à Bastia pour dénoncer l’incapacité de l’État à mettre fin au conflit.

Le contenu d’un camion chargé de fruits ne pouvant être exportés a été déversé devant les grilles de la préfecture. Quelques incidents ont eu lieu en marge de ce rassemblement quand plusieurs dizaines de personnes se sont rendues au siège de la SNCM en Corse, proche de quelques centaines de mètres, où d’importantes dégradations ont été commises. L’agence a été « saccagée », a déploré la direction, signalant la destruction du centre d’appels internes de la compagnie.

Outre le déblocage du Kallisté, les professionnels du tourisme, transporteurs, agriculteurs et artisans insulaires demandent aussi des mesures de compensation du préjudice économique et financier subi depuis le début de la grève, le 24 juin.

bur-tlg/rl/arz/bpi/pb

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