Une audience devant le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France doit avoir lieu jeudi après l’assignation du groupe, accusé de se soustraire à son obligation légale de dépôt de ses comptes annuels.
L’entreprise est pointée du doigt pour son rôle dans le coût de la vie sur l’île, où les produits alimentaires sont en moyenne 40% plus chers qu’en Hexagone, selon des chiffres de 2022 établis par l’Insee. Un écart qui a provoqué des manifestations contre la vie chère émaillées de violences en septembre et en octobre 2024.
C’est dans ces conditions que quatre personnes ont assigné GBH devant le tribunal de commerce, en novembre 2024. Après une première audience le 24 janvier, la société a fini par publier ses comptes consolidés pour l’année 2023, affichant un bénéfice net de 227,4 millions d’euros.
Le chiffre d’affaires, lui, est supérieur à 4,9 milliards d’euros, GBH réalisant 36% de ses ventes à La Réunion, 16% en Martinique et 15% en Guadeloupe.
Cette publication n’est pas de nature à concilier Me Renaud Portejoie, le représentant les quatre plaignants. « On maintient nos demandes: des condamnations sous astreinte financière », a-t-il dit à l’AFP, dénonçant un « bricolage comptable » et une marge commerciale « anormalement élevée » de 34%.
Le groupe aux 18.000 salariés, dont plus de 2.000 en Martinique, est aussi pointé du doigt par la sphère politique. En janvier, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a dénoncé à l’Assemblée nationale « l’opacité entourant la formation des prix et les marges réelles », accusant GBH de « jouer un rôle d’étouffement de l’économie ».
Il en a remis une couche dans un courrier au groupe révélé par Libération. « J’ai tenu un propos clair, un propos de vérité qu’il aurait fallu tenir depuis longtemps », écrit le ministre, estimant que « le partage et la chaîne de valeur, outre-mer, ne sont pas performants ».
– « Premier acteur contre la vie chère » –
« Je pense que notre groupe, contrairement à ces affirmations, est le premier acteur contre la vie chère », répond auprès de l’AFP Stéphane Hayot, le PDG de cette société fondée en 1960 par son père Bernard, issu d’une famille de Martiniquais blancs créoles descendants de colons propriétaires d’esclaves. Habituellement discret, il est sorti de sa réserve face aux attaques de ces dernières semaines.
Dénonçant une « campagne calomnieuse », celui dont le groupe est « probablement le plus contrôlé d’outre-mer » met en avant ses 26% de parts de marché en Martinique, un marché « très compétitif » où sept acteurs cohabitent dans la distribution alimentaire.
Quant aux marges, elles sont de 24% dans l’alimentaire pour « un bénéfice net de l’ordre de 2% de notre chiffre d’affaires », ajoute le PDG, qui n’y voit « rien d’excessif ».
« Il faut dire la vérité aux consommateurs. Ce n’est pas possible d’avoir des prix équivalents à ceux de l’Hexagone alors que les produits, pour 80% d’entre eux, font 7.000 km », insiste-t-il.
En octobre, un protocole visant à réduire de 20% les prix sur près de 6.000 produits alimentaires avait été signé entre l’Etat, les distributeurs et les élus locaux. Il impliquait un effort sur les marges par les distributeurs et la suppression de l’octroi de mer – une taxe sur les biens importés – par la Collectivité territoriale de Martinique (CTM).
C’est chose faite depuis le 1er janvier et les prix sur ces produits ont baissé de 9%, selon Stéphane Hayot. Reste à l’Etat à remplir sa part du contrat en supprimant la TVA sur les familles de produits concernés, mesure retardée en attendant la mise en oeuvre du budget 2025.
Reste que pour Hayot, pointé du doigt à chaque mouvement social aux Antilles comme celui de 2009, les soucis ne sont pas finis. A Bruxelles, cinq eurodéputés écologistes ont écrit à la commissaire à la Concurrence Teresa Ribera pour demander l’ouverture d’une enquête pour « pratiques anticoncurrentielles » à l’encontre de GBH.
Et une plainte contre X pour « entente » et « abus de position dominante » a été déposée au tribunal judiciaire de Fort-de-France en janvier. Environ 1.200 personnes se sont joints à cette plainte, assure à l’AFP Me Portejoie, qui entend montrer que « beaucoup de Martiniquais s’associent à la démarche ».
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