Après avoir craint une pénurie de gaz cet hiver, l’Union européenne (UE) a pris acte d’une situation plutôt rassurante pour passer les prochains mois. La réduction drastique des approvisionnements russes qui couvraient 35% des importations européennes avant février 2022 pour tomber à 15% depuis, avait fait craindre un risque de déficit dans la perspective d’un hiver froid.
Les stockages souterrains de gaz ont pu néanmoins être remplis au-delà même des prévisions grâce à une importation massive de gaz naturel liquéfié (GNL), et permettent d’aborder l’hiver 2022/2023 en situation confortable d’autant que le début de l’automne s’est révélé particulièrement doux.
Il y a même eu en octobre dernier un excès d’offre momentané sur le marché avec de nombreux méthaniers en attente de déchargement dans certains terminaux européens, faute d’une disponibilité suffisante sur les réseaux.
Les pays de l’UE ont réagi avec rapidité et solidarité. L’Allemagne a lancé la construction de 5 terminaux méthaniers dont 3 flottants qui seront opérationnels entre 2023 et 2025. La France envoie du gaz en Allemagne en contrepartie d’électricité qui lui sera fournie durant les pics de consommation. L’Espagne a augmenté ses importations de GNL ce qui permettra d’envoyer vers l’Europe du nord des quantités complémentaires à travers les deux connexions existantes entre la France et l’Espagne. L’UE devrait passer l’hiver 2022/2023 sans coupures de gaz si les conditions hivernales ne sont pas trop sévères. La question se reposera pour le remplissage des stockages durant l’été 2023 afin de préparer l’hiver 2023/2024. Quelles sont, dès lors, les incertitudes qui pèsent sur les approvisionnements européens futurs ?
La Russie continuera t’elle d’approvisionner en partie l’Europe ? Ses fournitures se poursuivent aujourd’hui à hauteur de 25% des quantités antérieures à la crise et continuent à la fois en transitant dans les gazoducs ukrainiens mais également sous forme de GNL importé dans les terminaux d’Europe du Nord. Si ces fournitures étaient totalement interrompues, il faudrait augmenter d’environ 35 Gm3/an les importations européennes.
Les nouvelles sources de gaz attendues seront-elles au rendez-vous ? Certains fournisseurs actuels ont déjà rassuré les pays importateurs sur leur capacité à mettre davantage de gaz sur les marchés. C’est le cas des Etats-Unis et du Qatar. Mais dans quels délais les infrastructures complémentaires nécessaires seront-elles prêtes ?
Il y a des raisons d’espérer pour le moyen terme que de nouvelles sources viendront approvisionner les marchés européens notamment sous forme de GNL en provenance de Méditerranée orientale, du Sénégal et du Mozambique. Ces nouvelles productions devraient être disponibles à partir de 2024/2025 et nécessiteront une sécurisation renforcée des routes maritimes en provenance de ces nouvelles sources.
Ces approvisionnements complémentaires seront donc maritimes avec la multiplication des unités flottantes (FSRU) en mesure de servir de stockage et de regazéification du GNL et positionnées dans les ports importateurs de GNL. Ce sera le cas à Wilhelmshaven en Allemagne, à Klaipeda en Lituanie et au Havre en France dès 2023.
Reste à savoir comment couvrir les besoins des deux prochaines années. Les économies d’énergie et la sobriété dans certains usages sont plus que jamais d’actualité, d’autant que si le GNL est au rendez-vous, l’électricité pourrait, elle, venir à manquer.