« L’Océan est toujours plus au cœur des négociations internationales sur le climat »

 

A la COP 27(1), l’Océan n’a pas été oublié. Non seulement parce qu’il est largement affecté par le changement climatique mais aussi parce qu’il fait partie de la solution à la crise climatique. Explications.

Par le Dr Nathalie Hilmi

Chargée de recherche Economie environnementale au Centre scientifique de Monaco, Auteur Principal du 6e rapport d’évaluation du GIEC.

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Les océans couvrent plus de 70 % de la surface de la terre et abritent 80 % de la vie sur notre planète. Près de la moitié de la population mondiale vit dans une zone côtière. Les activités liées à la mer contribuent pour plus de 500 milliards de dollars à l’économie mondiale. Les océans ont, de fait, contribué au développement de tous les pays du monde et contribuent toujours grandement à la réduction de la pauvreté et à la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement. Ils constituent aujourd’hui une source primaire de protéines pour 2,6 milliards de personnes. Toutefois s’il est communément admis que les océans fournissent des ressources importantes à forte valeur financière, l’exploitation par l’homme de ces précieuses ressources fait peser de nombreuses menaces sur le milieu marin, particulièrement vulnérable à la pollution, à la surpêche et à la dégradation des habitats.

A la COP 27, pour la première fois, un pavillon « Océan » était présent dans la « zone bleue ». C’est la preuve que l’Océan est toujours plus au cœur des négociations internationales sur le climat et qu’il est aussi de plus en plus considéré comme solution au changement climatique. Il faut, bien sûr, réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi retirer le dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère (les émissions négatives), notamment avec des solutions basées sur la nature. L’Océan joue ainsi un rôle central dans l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Les systèmes océaniques et climatiques sont inextricablement liés : une action axée sur l’Océan renforcera l’action climatique et vice versa. L’Océan modère le réchauffement climatique en absorbant environ 93% de l’excès de chaleur et environ 26% de l’excès de CO2 de l’atmosphère. Cependant, les écosystèmes océaniques subissent les conséquences de ce « pouvoir tampon » avec un phénomène d’acidification et de désoxygénation, et de nombreux autres changements complexes dans la dynamique des océans, compromettant ainsi des services écosystémiques clés.

Comme nous l’avons évoqué, les océans fournissent une variété de biens et de services écosystémiques aux êtres humains mais ils ne sont pas seulement une source majeure de nourriture. Ils produisent également de l’oxygène, absorbent le dioxyde de carbone, jouent un rôle majeur dans la régulation du climat et fournissent de l’énergie — non seulement des combustibles fossiles mais aussi des énergies renouvelables et des biocarburants renouvelables — ainsi que des services récréatifs. Ils sont, enfin, une source de composés médicaux pour soigner des virus et des cancers par exemple.

La décision finale de la COP 27, reflétée dans le “Plan de mise en œuvre de Charm el-Cheikh”(2), souligne, dans ses articles 45 et 46, les engagements relatifs aux océans. L’article 45 prévoit la désignation de deux co-facilitateurs chargés de coordonner les sujets et les thèmes clés du dialogue à venir. Ces co-facilitateurs, choisis par les parties à tour de rôle, seront chargés de préparer un rapport de synthèse informel pour chaque nouvelle COP. L’article 46, quant à lui, encourage l’action océanique dans le cadre des objectifs climatiques nationaux(3), les stratégies à long terme et les plans d’adaptation.


Le Dr Nathalie Hilmi est officiellement Auteur Principal du sixième rapport d’évaluation du GIEC (Assessment Report 6 ou AR6) pour le Groupe de travail II « Les impacts, l’adaptation et les vulnérabilités liés aux changements climatiques »


  1. La COP 27 sur les changements climatiques, organisée par les Nations unies, s’est déroulée du 6 au 18 novembre 2022, à Charm el-Cheikh, en Égypte.
  2. La déclaration finale.
  3. Les engagements des pays pour leurs politiques d’atténuation.

 

Nathalie HILMI
Nathalie HILMI
Docteur en sciences économique, spécialisée en macroéconomie et finance internationale, Nathalie Hilmi est responsable de la section « économie environnementale » au Centre scientifique de Monaco et auteur principal des rapports SROCC (Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate) et AR6 (Sixth assessment report) du GIEC.

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