Vendée Globe, la victoire d’un champion opiniâtre et talentueux

 
Armel Le Cléac’h, victorieux de la Transat Bakerly entre Plymouth et New York en 2016 sur son IMOCA à foils, atteint enfin son graal en remportant une victoire dans le tour du monde en solitaire, après en avoir été le dauphin de Michel Desjoyeaux en 2008-2009, puis celui de François Gabart en 2012-2013. Depuis le départ le 6 novembre des Sables-d’Olonne, le Finistérien de St Pol de Léon, a dû exprimer toutes ses ressources de double vainqueur de Solitaire en Figaro afin de contenir, jusqu’au finish, les assauts du tenace Britannique Alex Thomson sur Hugo Boss. C’est une fantastique bataille de foilers autour de la planète, que ces deux champions hors normes et leur team préparaient méticuleusement depuis près de deux années, avec la victoire pour seul objectif.

Victoire de la stratégie et de la rigueur pour un marin qui aime le défi
Avant le départ, le skipper de Banque Populaire VIII livrait son sentiment sur sa position de favori « C’est le marin qui fait la différence, le meilleur c’est celui qui fera le moins d’erreurs sur l’eau. On part en pionniers car à ce jour, aucun monocoque 60 pieds n’a fait le tour du monde avec des foils ! Je fais partie des favoris mais je ne suis pas le seul, il y a eu 4 transatlantiques depuis que je navigue à bord de Banque Populaire VIII j’en ai gagné une… » Conformément à sa réputation le « Chacal » n’a rien lâché, mais son poursuivant britannique au puissant bateau noir n’a pas lâché grand-chose non plus, s’affirmant comme son fidèle rival depuis le 7 novembre, lendemain du départ, car dès lors Armel et Alex vont s’échanger la position de leader. « Sur un bateau je passe en mode guerrier et aventurier » assure le navigateur breton au mental d’acier, qui de plus s’est préparé physiquement comme jamais.

Une bataille contrôlée de bout en bout
Dès le départ des Sables d’Olonne, les foilers profitent des conditions toniques pour s’offrir quelques sessions de survitesse à plus de 30 nœuds et les groupes se dessinent au passage du Cap Vert, après les choix de positionnement aux Canaries. Armel Le Cléac’h navigue en tête avec Vincent Riou (PRB) et se laisse même prendre un peu de terrain par ce dernier, le skipper de Banque Populaire a un petit passage à vide mais il reprend les manettes en arrivant au Pot au Noir. C’est pourtant la fusée noire d’Alex Thomson qui domine la descente de l’Atlantique, en effet HUGO BOSS franchit l’équateur 3h avant Armel sur Banque Populaire VIII, améliorant au passage le temps de référence détenu par Jean le Cam depuis 2004 !
Toujours au coude à coude dans l’Atlantique, Armel Le Cléac’h et Vincent Riou mettent du charbon dans leur machine pour aller chercher Alex Thomson, c’est sport, ça va vite mais le marin britannique conserve 133 milles d’avance au large du Brésil. Pourtant le skipper gallois subit un coup du sort, le 19 novembre il annonce avoir perdu son foil tribord après une collision avec un OFNI. Malgré cela, cinq jours plus tard il entre en tête dans l’océan Indien avec 4 h 22 minutes d’avance sur Armel et signe un nouveau temps de référence à Bonne Espérance améliorant le chrono de François Gabart en 2012.

Alors qu’ils naviguent très proches aux Kerguelen, les leaders ont la bonne surprise de pouvoir échanger quelques mots avec les passagers d’un hélicoptère de la Marine Nationale venus les filmer. Le 3 décembre Armel Le Cléac’h envoie un message à terre « Aujourd’hui est un jour particulier c’est l’anniversaire de mon fils Edgar, il a 6 ans » Mais surtout, ce 3 décembre, le Chacal s’installe aux commandes de l’épreuve et y restera pendant 47 jours, soit jusqu’à la ligne d’arrivée.
Au Cap Leeuwin après 28 jours et 20 heures de course, Alex Thomson est toujours en embuscade plus ou moins 100 milles dans le tableau arrière d’Armel Le Cléac’h, le skipper de Banque Populaire VIII qui à son tour améliore de plus de 5 jours et 14 heures le temps de François Gabart en 2012. Après un Pacifique très habilement négocié par le leader, ce sont 819 milles et 48 heures qui séparent Armel de son tenace poursuivant, à l’approche du Cap Horn. Après les abandons des rivaux annoncés comme les plus dangereux, Vincent Riou et Sébastien Josse notamment, la remontée de l’Atlantique s’annonce plus que jamais comme du match-racing. « J’ai sorti le champagne pour mon troisième passage du cap Horn en IMOCA et il était bien frais !» claironne fièrement Armel Le Cléac’h.

Les incertitudes de la remontée vers les Sables
Le jeu de l’élastique qui se tend et se détend au fil des aléas météo, met les nerfs très solides du skipper de Banque Populaire à rude épreuve car l’avion de chasse Alex Thomson ne lâche pas un gramme de pression. « 58 jours de course, je ne vous cache pas qu’il y a de la fatigue physique et mentale. Les manœuvres deviennent plus difficiles, la bataille sur l’eau avec Alex est toujours au rendez-vous, c’est donc la pression jusqu’au bout. Depuis mon passage au cap Horn, on ne peut pas dire que cette remontée de l’Atlantique soit en ma faveur. Après avoir perdu une partie de mon avance dans l’Atlantique sud, voilà que le Pot au noir est également favorable à Alex Thomson. Mais j’ai toujours une centaine de milles d’avance, et l’important est d’être devant aux Sables » se plaint Armel.

Comme pour en rajouter une couche sur les nerfs du leader, le 16 janvier Alex Thomson fait tomber le record de distance en 24h en couvrant 536,81 milles à la moyenne de 22,36 nœuds ! Mais le métronome Armel ne se laisse pas impressionner et, bien qu’à la latitude des Sables d’Olonne, il est encore contraint d’éviter par le nord une bulle sans vent, avant de pouvoir se faire propulser sur la ligne d’arrivée. Son redoutable poursuivant le skipper d’Hugo Boss toujours sur ses talons, Armel Le Cléac’h terminera son Vendée Globe tel un figariste, avec des nuits sans sommeil pour garder le contrôle, cela sera le prix de la victoire. Armel Le Cléac’h aura quarante ans le 11 mai prochain, à la veille de la remise des prix du huitième Vendée Globe. Il y recevra le plus beau des cadeaux d’anniversaire, ce trophée qu’il convoite depuis dix ans !

A retenir :

-Les records de vitesse sur 24h ont été enregistrés le 16 janvier : Hugo Boss a parcouru 536.81 nm à 22.4 nœuds et Banque Populaire VIII 524.11 nm 21.8 à nœuds
-Banque Populaire VIII a pris la tête pour la première fois le 07 novembre, il a été cité 336 fois en tête du classement.
-Banque Populaire VIII a été en tête de la course non-stop du 3 décembre jusqu’au passage de la ligne d’arrivée le 19 janvier.
-Banque Populaire VIII a passé 56 jours en tête sur 74 jours de course
-819.71 milles : la plus grande avance d’Armel Le Cléac’h sur son poursuivant Alex Thomson, le 23 décembre dans l’océan Pacifique, peu avant le cap Horn.

Rappel des temps de passage de Banque Populaire VIII
Equateur descente de l’Atlantique : 9 jours 9h 56mn
Cap de Bonne Esperance : 18 jours 3h 30 mn
Cap Leeuwin : 28 jours 20h 12 mn
Cap Horn : 47 jours 0h 32mn
Equateur remontée de l’Atlantique : 61 jours 12h 21mn.

Marine & Oceans
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