Le 8 août, un cargo polyvalent appartenant au géant chinois du fret maritime Cosco a quitté son port de Dalian (nord-est) et a mis le cap sur le détroit de Béring.
Après avoir franchi ce passage le 25 août, il empruntera la route maritime du Nord-Est, qui longe les côtes septentrionales de la Sibérie, puis il contournera la Norvège pour atteindre en septembre son port de destination, Rotterdam.
Ce raccourci polaire dans l’Arctique, rendu praticable durant les mois d’été grâce au réchauffement climatique et à la fonte des glaces, est selon Cosco une « voie en or » qui permet d’économiser de 12 à 15 jours de voyage par rapport aux routes traditionnelles.
La route maritime du Nord-Est, sur laquelle la Russie facilite la navigation en imposant la location de ses brise-glaces, devrait donc jouer un rôle croissant dans les échanges internationaux.
« Cela va potentiellement bouleverser le schéma du commerce mondial », affirme Sam Chambers, du magazine SinoShip.
Également conséquence de la débâcle de la banquise, un passage du Nord-Ouest s’est ouvert de l’autre côté du pôle Nord, côté canadien. Plus tortueux, il est très mal équipé en infrastructures.
Environ 90% des échanges commerciaux de la Chine passent par la mer et certains dans le pays estiment que d’ici à sept ans, entre 5% et 7% du commerce international de la deuxième économie mondiale pourrait transiter par l’Arctique.
L’ouverture de l’Arctique « va grandement réduire les distances maritimes entre les marchés chinois, européen et nord-américain », a expliqué Qi Shaobin, professeur à l’Université de la mer de Dalian, cité dans la presse chinoise.
Pour la Chine, la nouvelle route maritime du Nord-Est lui permet d’éviter les délais du canal de Suez et de réduire de plusieurs milliers de kilomètres ses trajets vers l’Europe, son premier partenaire commercial. Les économies de carburant, en particulier, promettent d’être importantes.
La Chine a exporté l’an dernier vers l’Union européenne pour 290 milliards d’euros de marchandises.
Pékin espère que le raccourci polaire sera également bénéfique au développement de ses ports dans le nord-est du pays.
La Chine, premier consommateur d’énergie du monde, lorgne par ailleurs sur les vastes réserves d’hydrocarbures que recèlerait l’Arctique. Ces ressources deviennent davantage accessibles en raison du recul de la calotte polaire.
Pékin pousse donc ses pions dans cette région et, après plusieurs années de campagne diplomatique, s’est vu accorder en mai le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique, un forum intergouvernemental de coopération.
« L’ouverture de le nouvelle route de fret maritime montre que la Chine s’implique davantage dans les affaires de l’océan Arctique », confirme Zhang Yongfeng, un chercheur basé à Shanghai spécialisé dans le transport maritime.
Il relativise par ailleurs la portée immédiate des raccourcis polaires.
« A court terme, l’intérêt économique pour le transport maritime n’est vraiment pas énorme », tempère-t-il. « La période de navigabilité du passage est relativement courte et les infrastructures portuaires le long du chemin sont incomplètes ».
De fait, le trafic dans les eaux arctiques est encore embryonnaire au regard des routes traditionnelles via le canal de Panama (15.000 transits par an) ou de Suez (19.000).
Mais le volume de marchandises transportées par la route du Nord-Est devrait se multiplier dans les années à venir: de 1,26 million de tonnes l’an dernier, le trafic passera à 50 millions de tonnes en 2020, selon la Fédération des armateurs norvégiens.