Dégazage au large de la Corse: les moyens pour retrouver le navire responsable

Marseille, 13 juin 2021 (AFP) – « Reconstituer le fil des évènements » par des prélèvements, des images satellites: le colonel Jean-Guillaume Remy, patron de la gendarmerie maritime chargée de l’enquête sur la pollution aux hydrocarbures au large de la Corse, détaille les moyens déployés pour retrouver le navire responsable.

Question: Comment débute-t-on ce type d’enquête?

Réponse: Il faut essayer de reconstituer le film des évènements et les premières heures sont très importantes pour recueillir un maximum d’informations. C’est pourquoi nous avons immédiatement engagé 11 militaires spécifiquement sur cette enquête. La brigade de recherche de la gendarmerie maritime est en back office et la section de recherche (…) pourra prendre le relais en cas de développement à l’international.

On a commencé par effectuer des prélèvements d’hydrocarbures qui pourront être utilisés pour des comparaisons avec ceux des navires suspects, même si ce n’est pas aussi fiable qu’une empreinte ADN. Cela peut cependant constituer un élément de preuve.

On effectue ensuite des « études de dérives » avec Météo-France et des organismes spécialisés dans la lutte contre la pollution pour définir, grâce à des modèles, l’espace-temps dans lequel le dégazage a eu lieu. On cherche ensuite à analyser ce qu’on appelle l’état de surface, c’est-à-dire à identifier quels étaient les navires qui étaient présents sur la zone dans l’espace-temps retenu.

Q: Comment peut-on identifier ces navires ?

R: On s’appuie sur différents dispositifs techniques comme on le ferait avec la vidéosurveillance à terre. La France dispose du système de surveillance Spationav qui regroupe les données recueillies par les avions de la Marine nationale, les sémaphores, les enregistrements de balises ou encore des données de satellites. A cela s’ajoutent les moyens de surveillance de l’Agence de sauvegarde maritime européenne, basée à Lisbonne.

Une fois identifiés les navires qui étaient dans la zone, on sélectionne ceux qui pourraient, par leur capacité, être potentiellement à l’origine de la pollution. Dans un premier temps, les navires ciblés sont considérés comme des témoins ayant pu observer un dégazage. C’est une forme d’enquête de voisinage. Au fur et à mesure, on affine.

Si le navire identifié est français les auditions seront réalisés par la gendarmerie maritime. S’il s’agit de navires dans des ports étrangers, la juridiction spécialisée de Marseille sous l’autorité du procureur, pourra demander une entraide internationale.

Q: Quels moyens sont mis en oeuvre pour lutter contre ces pratiques?

R: Les pouvoirs publics sont très concentrés pour enrayer ce phénomène et cela fait longtemps qu’on n’avait pas observé un dégazage aussi important. Normalement, le nettoyage des cuves d’un navire doit s’effectuer dans un port, avec une société spécialisée et une procédure spécifique respectant des normes environnementales ce qui représente un coût auquel certains tentent d’échapper. Pour dissuader ceux qui auraient la tentation de commettre de tels actes, la préfecture maritime organise régulièrement des opérations de contrôle et si des infractions sont constatées, des suites judiciaires sont systématiquement données. La pollution volontaire en milieu maritime est passible de peines d’emprisonnement et d’amendes allant de 50.000 à 10 millions d’euros, selon l’importance du navire.

Voir les autres articles de la catégorie

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.