A Marseille, la crainte d’une coalition anti-SNCM

« Nous ferons tout pour ne pas perdre la SNCM », lançait fin novembre Frédéric Cuvillier, après la condamnation de la société par la Commission européenne à rembourser deux fois 220 millions d’euros d’aides à l’Etat français (alors que son chiffre d’affaires atteignait environ 300 M en 2012, pour 14 M de pertes).

Avec un tel soutien du gouvernement, alors même que, selon une source proche de l’entreprise marseillaise, « c’est l’Etat qui a les clefs » dans ce dossier, la SNCM et ses 2.600 salariés devraient pouvoir surmonter les multiples écueils encore devant elle : condamnations européennes, problèmes de trésorerie, coûteux projet de développement, actionnariat.

Vu du Vieux-Port cependant, le rôle de l’Etat n’apparaît pas si clair, ce qui ne manque pas d’inquiéter.

Le maire UMP Jean-Claude Gaudin a critiqué le gouvernement « muet et inerte ». Le député et candidat PS à la mairie Patrick Mennucci a demandé que soit désigné « par le Premier ministre, un seul et unique pilote dans ce dossier ».

Maurice Perrin, élu CFE-CGC et représentant des salariés actionnaires, dénonçait récemment le « double discours » du ministère.

« Quand on me dit l’Etat, je dis mais c’est qui ? », s’interroge plus abruptement le président du directoire Marc Dufour, dans une interview à l’AFP.

Il semble en effet qu’entre Bercy et le ministère des Transports et même au sein même de ce ministère, tout le monde ne soit pas si empressé à défendre la compagnie, et que la vision défendue par Veolia, qui veut « tuer la boîte » selon M. Dufour, soit souvent privilégiée en coulisses.

 »Connivence » et  »jeu trouble »

Le numéro un mondial de l’eau est en effet toujours dans le processus de désengagement de sa filiale de transports, Veolia Transdev, et de reprise en direct de 66% de la SNCM. Mais la condamnation européenne, que Veolia ne veut pas assumer, a bloqué ce processus.

De plus, le récent plan de redressement mis en place par la direction – 500 suppressions de postes mais aussi le renouvellement de la flotte – nécessite encore de l’investissement, donc de l’endettement, à l’encontre de la stratégie de désendettement menée par son PDG Antoine Frérot, dont le mandat est remis en jeu au printemps.

Mais la liste de ceux qui ont intérêt à la déchéance de la SNCM ne s’arrête pas là, selon plusieurs sources. La compagnie a ainsi dénoncé les « connivences », le « jeu trouble » de ses concurrents et le « harcèlement judiciaire » dont elle se dit l’objet, par la voix de son directeur pour la Corse, Pierre-André Giovannini.

Première visée, la Corsica Ferries, compagnie privée, à l’origine de multiples recours contre la SNCM. Encore récemment, la Corsica a attaqué en justice l’attribution de la délégation de service publique de la desserte de la Corse pour 2014-2023 au duo SNCM-Méridionale. C’est également elle qui est à l’origine de la double condamnation européenne.

Plus surprenant, M. Giovannini a visé nommément son partenaire, la Méridionale.

« Elle espère récupérer des morceaux de la SNCM », a expliqué à l’AFP M. Dufour.

Selon des sources proches du dossier, la SNCM soupçonne également tant la Corsica que la Méridionale de lorgner sur la desserte de Corse au départ de Nice et de Toulon. Elles verraient d’un bon oeil une SNCM réduite à quatre bateaux, qui n’assurerait que sa part de la DSP entre Marseille et la Corse.

« Allégations fantaisistes », a répondu la Méridionale.

Enfin, en Corse, certains acteurs, notamment les indépendantistes, défendent la création d’une compagnie régionale, à l’image de ce qui existe pour l’aérien. L’idée a été écartée par la conseillère exécutive de Corse, la socialiste Emmanuelle de Gentili, mais revient régulièrement sur le tapis.

Bâtie sur les cendres de la SNCM sous la forme d’une société d’économie mixte, celle-ci pourrait en récupérer les actifs et assurer la DSP entre Marseille et l’île de Beauté en s’associant avec un partenaire privé. Un marché qui intéresserait également la Méridionale et la Corsica.

tlg/cho/gib

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