« Nous avons à bâtir les forces armées dont la France a besoin face aux dérèglements du monde. » – Thomas Gassilloud

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La prochaine Loi de programmation militaire 2024-2030 va être présentée au Parlement à compter du mois de mai prochain. Après la présentation, le 20 janvier dernier, par le Président de la République, de ses grandes orientations1Marine & Océans propose l’analyse d’experts et de responsables politiques nationaux. : Général Bruno Clermont, Thomas Gassilloud et Laurent Jacobelli.

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De 2010 à 2020, plus de 73 incidents ont opposé, en mer de Chine méridionale, des bâtiments chinois à d’autres navires de pays riverains. Le 10 juin 2020, la frégate légère furtive Courbet a été la cible d’une triple illumination radar par la frégate turque Gökova dans le but de l’empêcher de contrôler un cargo qui violait l’embargo sur la livraison d’armes en Libye.

Le 14 avril 2022, le croiseur amiral de la flotte russe en Mer Noire, le Moskva, a été coulé par les forces ukrainiennes. Le 26 septembre 2022, plusieurs explosions ont rompu les gazoducs Nord Stream 1 et 2. Depuis la fin de la guerre froide, la mer a conforté son rôle de premier espace de transit, assurant 80% des échanges commerciaux et 97% des flux internet intercontinentaux. En une dizaine d’années, elle est redevenue un espace de conflictualité. Comme l’annonçait l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la Marine, devant les élèves-officiers de l’école navale en 2020, peu de temps après sa prise de fonction : le retour du combat naval est une quasi-certitude dans les prochaines années.

Ce constat glaçant doit être regardé en face, dans sa globalité car ce que l’on dit des espaces maritimes est malheureusement vrai aussi pour ce qui s’observe sur terre, dans les airs ou dans les nouveaux espaces de conflictualité que sont le cyber, l’espace ou le champ informationnel. Nous avons à en tirer des conclusions pour notre propre modèle d’armée, noyau de la défense nationale.

Ce sera l’objectif de la future loi de programmation militaire sur laquelle le Parlement travaillera dans les prochaines semaines. Les annonces du Président de la République ont marqué les esprits : 413 milliards d’euros pour la défense, de 2024 à 2030. Après une phase historique de réparation de nos forces de 2019 à 2023, c’est une somme colossale. Et c’est le prix à payer pour revenir sur 30 ans de désinvestissements massifs, ces « dividendes de la paix », poésie comptable, désormais obsolètes. Mais nous le savons aussi, l’enveloppe est taillée au plus juste. Pour reprendre les mots du Président de la République, il n’y a dedans « ni luxe, ni aise, ni confort ». La cohérence et la réactivité primeront sur l’endurance de notre modèle d’armée.

Alors que l’effort militaire de l’Ukraine ravive dans la Nation la mémoire enfouie de la grammaire cruelle de la force, nous avons à bâtir les forces armées dont la France a besoin face aux dérèglements du monde et aux responsabilités mondiales qui sont les nôtres. A mes yeux, trois enjeux majeurs doivent nous mobiliser. D’abord, celui de la puissance, avec la nécessaire modernisation des composantes de la dissuasion mais surtout le bon modèle de forces conventionnelles dont il faut disposer pour ne pas être contournés, y compris dans les espaces communs, le champ informationnel ou nos Outre-mers.

Nous avons ensuite un enjeu de résilience. Nous devons réapprendre à durer au combat, à encaisser les pertes et à mobiliser l’industrie de défense pour soutenir un combat intensif dans la durée. Mais nous devons surtout retrouver les leviers d’une résilience institutionnelle et nationale que nous avons désappris depuis 30 ans, oubliant les promesses de la « défense globale ».

Enfin, il nous faut renouveler notre approche de l’influence pour mieux comprendre nos alliés et partenaires, améliorer la compréhension qu’ils ont de nous et peser dans la guerre des perceptions que nous imposent certains de nos compétiteurs.

Puissance, résilience, influence. Trois mots qui cachent trois objectifs pour l’atteinte desquels le Parlement a un rôle majeur à jouer, à commencer par en faire comprendre l’importance à l’ensemble des Français. Je suis convaincu, pour ma part, qu’en contribuant à « faire de la défense l’affaire de tous » nous construisons le premier rempart dont la France a besoin, le « navire amiral » d’une puissance maritime mondiale.

Thomas Gassilloud, Député (Renaissance) du Rhône, Président de la Commission de la défense de l’Assemblée nationale.


Thomas Gassilloud a été le premier député auditeur de l’Ecole de guerre (2018). Il a été auditeur de la 72e session nationale « politique de défense » de l’IHEDN (2019) et rapporteur d’une mission d’information sur la résilience nationale (2021). Il est Président depuis 2022 de la Commission de la défense nationale et des forces armées.


  1. Lors de cette intervention, le 20 janvier, sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan, Emmanuel Macron a annoncé un budget de 413 milliards d’euros pour la LPM 2024-2030 et un objectif de « transformation » des armées autour de quatre grands pivots : le renforcement de la dissuasion, la préparation à la haute intensité, la protection de nos intérêts dans les espaces communs et le renforcement des partenariats internationaux.
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