Jérémy Bachelier (IFRI) : « Le groupe aéronaval peut faire face à tout type de menace »

La deuxième édition de la Conférence navale de Paris se déroule le 25 janvier à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Son thème : l’évolution du rôle du groupe aéronaval. Le capitaine de frégate Jérémy Bachelier, officier chercheur à l’Ifri, passe en revue les grands enjeux de ce sujet au cœur de l’actualité.

Qu’entend-on par « groupe aéronaval » et quelle est son utilité ?

Un groupe aéronaval (GAN) est organisé autour d’un porte-avions. Ce dernier est accompagné de frégates qui possèdent des compétences à la fois généralistes mais aussi spécifiques, comme la lutte anti-aérienne ou encore la lutte anti-sous-marine. Il faut aussi un pétrolier ravitailleur, car, contrairement au porte-avions, les frégates et les aéronefs embarqués ne bénéficient pas de la propulsion nucléaire. Un sous-marin nucléaire d’attaque est également inséré dans le dispositif. Le GAN, c’est avant tout une capacité de projection de puissance vers la terre ou en mer dans le cadre du combat naval. Dans les faits, il sert aussi d’outil politique et diplomatique. Un moyen de pression, en somme.

Qu’est-ce qui fait la force d’un groupe aéronaval ?

Sur le plan opérationnel, sa mobilité et les caractéristiques de la mer lui évitent certaines contraintes. Par exemple, le GAN n’a pas besoin de points d’ancrage aux abords du théâtre d’opération visé. Il s’affranchit ainsi des prérequis et des avals diplomatiques nécessaires avant toute utilisation d’un aéroport ou d’un port sur le territoire d’un pays tiers. Cela lui donne donc une agilité singulière.

« Le déploiement d’un GAN tire l’ensemble d’une Marine, et même des armées, vers le haut. »

Capitaine de frégate Jérémy Bachelier, officier chercheur à l’Ifri

L’autre atout du groupe aéronaval est son aspect d’agrégateur de forces, qu’elles soient nationales ou multinationales. Le déploiement d’un GAN tire l’ensemble d’une Marine, et même des armées, vers le haut. Il constitue aussi une occasion unique d’intégrer des alliés. En résultent une confiance et surtout une interopérabilité technique et tactique entre les puissances concernées. Cela envoie dans le même temps un message à nos compétiteurs : nous sommes capables de travailler ensemble.

A l’inverse, quelles sont ses vulnérabilités ?

Certaines menaces se font plus pressantes. Je pense, entre autres, à celle relative aux missiles balistiques, notamment ceux de la Chine et de la Russie, dont les capacités de lutte antinavires sont extrêmement importantes. Sans oublier les avancées concernant les missiles hypervéloces1. Dix des 13 pays ayant les plus gros budgets militaires disposent d’un programme de recherches dans ce domaine.

Il ne faut pas non plus négliger la menace sous-marine. En fonction des zones d’opération, il existe des portées qui, en termes de détection, se révèlent très favorables aux sous-marins et donc défavorables aux systèmes de lutte anti-sous-marine. Conséquence directe : nos compétiteurs pourraient potentiellement s’approcher à des distances suffisantes pour effectuer un tir torpille. C’est donc un vrai enjeu pour ce dernier. Pour autant, le GAN tire un avantage comparatif au regard de la complémentarité de ses moyens. Il ne s’agit ni de relativiser ses vulnérabilités, ni de les exagérer, mais le groupe aéronaval conservera cet avantage dès lors qu’il saura s’adapter à l’évolution des menaces.

Justement, comment le GAN doit-il évoluer pour rester une force stratégique ?

Il lui faut toujours avoir un coup d’avance sur une menace en perpétuelle évolution. C’est absolument fondamental. A l’avenir, l’intelligence artificielle est probablement amenée à transformer nos systèmes d’aide à la décision. Cela améliorera notre réactivité. Le rôle du quantique est aussi au cœur des réflexions car il pourrait drainer, d’ici quelques années ou décennies, des évolutions techniques sur les systèmes d’armes embarqués. Le groupe aéronaval doit donc évoluer de façon cohérente et sans se faire dépasser par les nouvelles technologies.

Source : ministère des Armées.

1 Les missiles hypervéloces sont caractérisés par une vitesse supérieure à Mach 5 (6 000 km/h) et une faculté de manœuvre pendant le vol, rendant leur trajectoire imprévisible.

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