Nouvelle-Calédonie: après une semaine de violences, nouveau Conseil de défense lundi

Nouméa, 19 mai 2024 (AFP) – Emmanuel Macron a convoqué un nouveau Conseil de défense lundi à 18h30 pour tenter de trouver une issue à la crise sécuritaire et politique qui mine la Nouvelle-Calédonie, après une semaine d’émeutes en réaction à une réforme du corps électoral décriée par les indépendantistes.

Le chef de l’Etat avait déjà présidé un Conseil de défense mercredi consacré au territoire du Pacifique sud pour décider d’y instaurer l’état d’urgence, puis un deuxième jeudi à l’issue duquel son Premier ministre avait annoncé l’envoi massif de renforts de police et de gendarmerie.

Vendredi, Gabriel Attal avait reçu à Matignon des responsables parlementaires de tous bords pour un « échange » sur la crise, où la question d’une éventuelle prolongation de l’état d’urgence a été évoquée. L’Assemblée et le Sénat doivent en effet donner leur accord pour proroger cette mesure au-delà de douze jours, soit le 27 mai au soir.

Sur place, les forces de l’ordre ont conduit dimanche une opération d’envergure pour reprendre le contrôle de la route stratégique reliant Nouméa à son aéroport international et la libérer des dizaines de barrages érigés par des indépendantistes.

D’autres actions des unités d’élite de la police et de la gendarmerie ont été annoncées dans des zones considérées par les autorités comme des « points durs », dans les villes de Nouméa, Dumbéa et Païta notamment.

– Cris et détonations –

Dans la nuit de dimanche à lundi, des bruits de grenades de désencerclement, utilisées par les forces de l’ordre pour disperser les émeutiers, ainsi que des cris évoquant des affrontements ont été entendus dans le quartier d’Auteuil à Dumbéa, dans l’agglomération de Nouméa, selon un correspondant de l’AFP.

Et dans la « capitale » calédonienne, des détonations importantes ont résonné dans les quartiers de Magenta et Tuband, selon une autre journaliste de l’AFP.

Les autorités françaises ont affiché une volonté de rétablir l’ordre « quoi qu’il en coûte », comme l’a martelé dimanche le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc.

Mais malgré l’opération menée par les gendarmes avec des blindés et engins de chantier, la route menant reliant Nouméa à l’aéroport de La Tontouta est restée encombrée à de nombreux endroits de carcasses de voitures brûlées, ferraille et bois entassés.

Les gendarmes « sont passés, ils ont déblayé, et nous, on est restés sur le côté », a confié dimanche à l’AFP Jean-Charles, la cinquantaine, tête enturbannée d’un foulard et drapeau kanak à la main à La Tamoa, à quelques kilomètres de l’aéroport. « Une fois qu’ils sont passés, on a remis le barrage ».

Depuis le début de la semaine, les violences ont fait six morts, le dernier en date samedi, un Caldoche (Calédonien d’origine européenne) à Kaala-Gomen, dans la province Nord. Les cinq autres morts sont deux gendarmes et trois Kanak (autochtones), dans l’agglomération de Nouméa.

La reconquête des voies et quartiers bloqués devrait être un travail de longue haleine, alors que les dégradations continuent et que les forces de l’ordre estiment le nombre d’émeutiers entre 3.000 et 5.000.

« Des écoles ont encore été détruites », de même que « des pharmacies, des centres vitaux d’approvisionnement alimentaire, des surfaces commerciales », a listé dimanche Louis Le Franc, ajoutant: « On commence à manquer de nourriture ».

Le haut-commissaire a appelé les habitants ayant constitué des « groupes de protection » loyalistes pour défendre leurs quartiers face aux émeutiers indépendantistes « à ne pas commettre l’irréparable », qui provoquerait « un embrasement général ».

Pour la population, se déplacer, acheter des produits de première nécessité et se soigner devient plus difficile chaque jour. Les obstacles à la circulation compliquent la logistique pour approvisionner les magasins, surtout dans les quartiers les plus défavorisés.

« L’île la plus proche du paradis est devenue l’île la plus proche de l’enfer », ont écrit les Eglises catholique et protestantes de Nouvelle-Calédonie dans une déclaration commune lue aux messes et cultes de Pentecôte, lançant « un vigoureux appel à l’arrêt des violences ».

– « Empêcher la guerre civile » –

Les mesures exceptionnelles de l’état d’urgence sont maintenues, à savoir le couvre-feu entre 18h00 et 6h00 (9h00 et 21h00 à Paris), l’interdiction des rassemblements, du transport d’armes et de la vente d’alcool et le bannissement de l’application TikTok.

L’interdiction de ce réseau social, destinée notamment à limiter les contacts entre émeutiers, fait l’objet d’un recours d’associations de défense des libertés qui sera examiné en urgence mardi par le Conseil d’Etat.

Dimanche, le gouvernement calédonien a annoncé que les collèges et lycées resteraient fermés jusqu’au 24 mai inclus sur tout le territoire. Les écoles de la province Sud garderont portes closes toute la semaine.

La réforme constitutionnelle qui a mis le feu aux poudres vise à élargir le corps électoral aux scrutins provinciaux de Nouvelle-Calédonie, au risque de marginaliser « encore plus le peuple autochtone kanak », selon les indépendantistes. Elle a été adoptée par les députés, après les sénateurs, dans la nuit de mardi à mercredi.

Ce texte doit encore être voté par les parlementaires réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d’ici là.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, son homologue au Sénat Gérard Larcher et plusieurs parlementaires de tous bords ont demandé vendredi une mission de dialogue.

Le consensus semble moins net sur un report de la convocation du Congrès, réclamé dimanche par l’ancien Premier ministre Manuel Valls.

« La demande que je formule au gouvernement, c’est de nous donner encore un peu de temps, aujourd’hui, pour essayer de trouver une solution politique », a souligné dimanche soir Milakulo Tukumuli (Eveil océanien), vice-président de la province Sud.

En outre-mer, les présidents de plusieurs exécutifs (région Réunion, département de la Guadeloupe, collectivités territoriales de Martinique et de Guyane) et près d’une vingtaine de parlementaires ont demandé le « retrait immédiat » de la réforme pour empêcher une « guerre civile ».

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