« 100.000 morts, zéro responsable, nous ne l’acceptons pas »: le mot d’ordre de la manifestation, dédiée à l’un des fondateurs de l’Andeva, Jean Dalla Torre, emporté à 83 ans en septembre par un mésothéliome, le « cancer de l’amiante », visait à interpeller la justice et le monde politique.
Jean Dalla Torre avait été le premier en France à déposer une plainte contre X, en 1996, dans le dossier amiante, a rappelé Michel Parigot, vice-président de l’Andeva, lors de la manifestation. Comme bien d’autres victimes de cet isolant cancérigène utilisé notamment dans le bâtiment, interdit depuis 1997, il est mort « sans connaître l’issue » de la procédure judiciaire, a souligné l’association.
« C’est la 20e année d’instruction » et les victimes n’ont toujours « aucune certitude d’avoir un jour un procès » pénal, a déploré M. Parigot.
L’Andeva refuse que les responsabilités dans le dossier de l’amiante soient cantonnées au niveau local et espère un grand procès. Une perspective qui semble s’éloigner après la mise hors de cause en avril par la Cour de cassation de huit personnes, dont Martine Aubry, dans l’enquête sur l’empoisonnement de salariés de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau (Calvados).
La Cour a confirmé l’annulation de la mise en examen de hauts fonctionnaires, scientifiques et industriels impliqués dans le Comité permanent amiante (CPA, dissous au milieu des années 90). Sur les huit personnes encore mises en examen, six sont d’anciens directeurs ou employés de l’usine de Condé-sur-Noireau.
Cet arrêt, « second scandale de l’amiante, consacre la faillite de l’institution judiciaire », a déclaré M. Parigot aux manifestants venus de toute la France.
Partis de l’ancien siège du CPA, « structure de lobbying des industriels de l’amiante » selon l’Andeva, les manifestants devaient défiler jusqu’au pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris, chargé de l’instruction du dossier pénal de l’amiante, pour y remettre les dossiers de 1.221 victimes des chantiers navals Normed et de Sollac à Dunkerque.
Parmi les manifestants, Alain, 68 ans, venu d’Ardèche, ancien employé d’une usine Everitube fabriquant des tuyaux en amiante ciment à Andancette (Drôme). On lui a diagnostiqué en 1995 des plaques pleurales, liées à son exposition. Depuis, « à la moindre douleur, on craint que ce soit la maladie qui se réveille », dit-il à l’AFP.
Le problème de l’amiante est « un peu passé de mode », regrette-t-il, « mais les victimes sont toujours là ».
A 73 ans, Marie-Madeleine, venue de Dunkerque, défile comme tous les ans. Diagnostiqué en 1998, son mari est mort d’un cancer de la plèvre en 2000.
Chaque année, plus de 3.000 décès dus à l’amiante sont recensés, selon l’Andeva.
En France, 10 à 20% des cancers du poumon et 85% des mésothéliomes (cancers de la plèvre) seraient dus à l’amiante, selon les autorités sanitaires. Les maladies peuvent survenir jusqu’à 40 ans après l’exposition.