Dans la région de Nantes, qui fournit 80% de la production nationale, les exploitations prennent des allures de ruche chaque année du 20 au 27 avril avec plus de 7.000 personnes embauchées sur cette période. Avant, le muguet n’a pas encore poussé, après il ne pourrait plus être livré à temps pour le 1er mai. Demandeurs d’asile, réfugiés politiques ou encore gens du voyage composent une bonne partie des saisonniers.
Yohann, Roumain de 35 ans, en est à sa troisième année de cueillette. « L’un des seuls moyens de gagner de l’argent », affirme-t-il. « C’est difficile de trouver une place aujourd’hui. Quand je suis arrivé en France en 2007, j’avais l’espoir de changer de vie. Mais je n’ai aucune autre possibilité d’embauche ».
La préfecture de Loire-Atlantique accorde une dérogation spécifique pour l’emploi de travailleurs étrangers à ce moment clé de l’année. Interrogée par l’AFP, elle n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet.
A la Chapelle-Basse-Mer (30 km à l’est de Nantes), dans l’exploitation de Louis Douineau, 200 Roms récoltent le muguet sur les 400 personnes employées pour l’occasion. Du personnel disponible chaque année, contrairement aux étudiants dont les vacances scolaires ne coïncident pas toujours avec le calendrier de la cueillette.
« En sept jours, ce sont près de 3 millions de brins qu’ils doivent ramasser », explique M. Douineau. « Le travail leur est quasiment interdit en France à part ces petits travaux saisonniers », explique-t-il.
Ici comme ailleurs, la présence des Roms n’est pas toujours bien vécue. « Les voisins n’aiment pas trop que j’embauche des étrangers, ils me disent +tu les attires+ », témoigne M. Douineau.
Un des responsable de la récolte, Bruno, 53 ans, avoue que la barrière de la langue pose parfois problème. « Mais on trouve toujours une personne qui parle bien français », ajoute-t-il.
A Nantes, Catherine Libault a créé en 2006 l’association Ami (Accompagnement, Migrants, Intégration) qui met en relation immigrés et maraîchers. « Quand on a démarré il y a huit ans, il y avait une réticence vis-à-vis des étrangers. Beaucoup de préjugés perduraient, ce n’était pas facile de convaincre les communes », explique-t-elle.
Aujourd’hui, son association fournit près de 10% des salariés à l’un des plus importants producteurs de la région, Jean-François Vinet. « Les maraîchers sont très satisfaits de cette main d’oeuvre. Cela prouve leur volonté de s’intégrer en France. Malgré ce travail qui demande une certaine pénibilité, il n’y a jamais eu d’absentéisme », assure Mme Libault.
En tout, 18 nationalités, dont une majorité de Guinéens, de Congolais et de Daghestanais, travaillent conjointement à la cueillette sur l’exploitation de M. Vinet. Certains sont hébergés dans des familles d’accueil.
Un nouveau type de travailleurs a fait son apparition : des retraités à la recherche d’un revenu d’appoint. Dans l’exploitation de M. Vinet, ils sont environ 150 sur les 2.000 personnes employées le temps de la récolte.
« Ce phénomène est assez récent, il a tendance à se développer depuis trois ou quatre ans », affirme M. Vinet.
C’est le cas de Raymond et Yvette, un couple de retraités embauché par Louis Douineau. « Nos retraites ne nous suffisent pas pour joindre les deux bouts, les 700 euros que l’on va toucher vont nous permettre de souffler un peu », confie Yvette, 71 ans.
Originaire du Japon, la petite fleur à clochettes a été introduite le 1er mai 1561 par le roi Charles IX qui prit la coutume d’en offrir chaque année. La tradition s’imposa dans les rues à partir de 1907.
Le pays nantais fournit près de 60 millions de brins à la métropole, ce qui représente un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros pour l’ensemble des maraîchers de Loire-Atlantique.