Près du village de Dzoumogné, au nord-ouest de l’archipel, Mohamadi Sabiti, 53 ans, inspecte ses plantations de vanille. Certaines lianes ont résisté mais les tuteurs qui les protègent sont presque tous à terre.
Sur ce terrain autrefois ombragé, plus une seule feuille d’arbre n’abrite les gousses vertes du soleil. « Ce qui tient encore risque de griller ou de pourrir avec l’excès d’humidité », affirme l’agriculteur.
Bananiers et manguiers sont « dévastés ». Parmi les quelques orangers efflanqués encore débout, « certains repartiront peut-être mais quand? Dans deux, trois ans ? »
« J’en ai pleuré. C’est une catastrophe. C’est comme si mes champs avaient été passés au broyeur. Les sous que je gagne de mon travail, mes champs, c’est pour nourrir mes enfants », soupire le cultivateur en short et T-shirt gris, accoudé à un tronc d’arbre plié à 90 degrés.
Sur ses deux hectares et demi, les fruits qu’il récolte servent principalement à l’alimentation de sa famille ou sont vendus à ses voisins en circuit « très court ». La vanille, elle, est entièrement revendue et lui assurait un revenu.
– Agriculture vivrière –
L’agriculture à Mayotte a été « rasée » par le cyclone, déplore auprès de l’AFP Saïd Anthoumani, président de la chambre d’agriculture et de la Confédération paysanne locale.
Le cyclone le plus dévastateur qu’ait connu Mayotte depuis 90 ans a causé le 14 décembre des dommages colossaux dans le département le plus pauvre de France, où les secours sont depuis à pied d’oeuvre pour rétablir les services essentiels comme l’eau, l’électricité et les réseaux de communications.
Côté alimentation, « il sera primordial de combler ce que l’agriculture ne pourra plus assurer, puis d’accompagner sa relance », souligne Saïd Anthoumani.
« Ici nous avons une agriculture vivrière et locale, elle nourrit notre population. Et rien ne pourra sortir des champs d’ici un an. Pour le manioc par exemple, qui est très consommé, il faut six mois à un an. Pour les plants de bananiers, c’est 12 à 13 mois » pour qu’ils repoussent, précise-t-il.
En retrait de la départementale qui longe les champs de Mohamadi Sabiti, au milieu des collines, Cheou Abd El Kader inspecte ses champs d’arbres fruitiers et de vanille. Pantalon beige, torse nu, il se taille à la machette un passage parmi les arbustes.
« Il y a des plants à sauver mais il n’y aura probablement pas de récolte cette année », explique le jeune homme qui replante une liane sur l’un des rares tuteurs encore droit.
– Tronçonneuses –
Lui aussi revend sa vanille à l’association Saveurs et senteurs de Mayotte, qui s’était fixé pour objectif en 2018 de relancer la filière, effondrée dans les années 2000, et regroupe désormais une soixantaine de producteurs.
« Selon les dégâts, s’il n’y a plus grand chose dans les champs, il n’y aura rien pendant trois à quatre ans », explique Julie Moutet, coordinatrice de l’association. Les communications sont toujours compliquées et les bilans encore difficiles à dresser.
Chez Fouad Ali aussi, « tout est par terre, tout est détruit ». Ce pépiniériste du nord de l’archipel, également président du Mouvement de défense des exploitants familiaux, espère des aides du ministère pour reconstruire et « acheminer des semences au plus vite ».
De son côté, la FNSEA a annoncé l’envoi vendredi dernier de matériel en urgence, notamment « de tronçonneuses pour pouvoir déblayer les champs et routes afin de pouvoir reprendre l’activité de leurs exploitations ».
Le bilan provisoire de la catastrophe naturelle, facilitée par le réchauffement climatique, s’élève à 35 morts et environ 2.500 blessés.