A Sète, un projet de marina pour « méga-yachts » divise la population

« Ne sifflez pas, écoutez-moi ! », a dû répéter plusieurs fois le président du Port de Sète, l’ancien ministre des Transports Jean-Claude Gayssot, mercredi soir, pour se faire entendre face à plusieurs centaines de Sétois, lors de la première réunion publique consacrée à ce projet qui va selon lui « valoriser le port, la ville, la région ».

Porté par P&O Ports, choisi pour développer le terminal containers de Sète qui peine à exister entre Marseille et Barcelone, et l’américain IGY Marinas, le projet prévoit 12 emplacements pour des yachts de plus de 40 mètres et pouvant dépasser 100 m sur le quai historique d’Alger. Il est notamment contesté depuis plusieurs mois par un collectif baptisé « Une marina pour qui, pourquoi ? ».

Les critiques sur une « flambée de l’immobilier », la multiplication « d’hôtels de luxe », la présence de navires « hyper-polluants », « la gentrification de Sète, ville festive, culturelle, populaire » et « la privatisation des espaces » fusent lors de la réunion au Théâtre de la mer.

« C’est un projet pour les riches qui n’apportera rien de bon à la population », résume une Sétoise, Michèle Godard. « On nous parle maintenant de démocratie alors que tout est déjà ficelé ! », s’indigne Simone Lopez, une autre habitante. Un intervenant réclame, sous des applaudissements nourris, « un référendum ».

-« simple garage à bateaux »-

« Notre objectif, c’est d’accueillir les équipages d’environ 20 personnes qui s’occupent des bateaux, ce n’est absolument pas les milliardaires que nous allons recevoir », temporise le directeur du Port, Olivier Carmes. Il insiste sur les « retombées positives » en termes de tourisme, de commerce, d’entretien par des entreprises locales et évoque la possible création d’une cinquantaine d’emplois.

« Le quai d’Alger, à Sète, c’est le quai d’honneur, c’est pas rien culturellement » et ça deviendra « un simple garage à bateaux », alors que Marseille et La Ciotat ont les ateliers d’entretien qui créent de l’emploi, tacle François Liberti, ancien maire communiste de Sète.

Selon Olivier Carmes, ce projet s’inscrit dans le développement du port (commerce, plaisance et pêche) qui a connu en 2017 une « année particulièrement positive » avec une croissance de 4% de son chiffre d’affaires. Il cite le secteur de la croisière, passé de 8.000 passagers en 2012 à 47.000 en 2017, et 110.000 prévus en 2018.

« Sète est super bien placé pour les super-yachts, c’est proche de la Côte d’Azur et les équipages pourront ainsi préparer la saison d’été en Méditerranée », explique à l’assemblée, sous les quolibets, un représentant de IGY Marinas, présent dans neuf pays via 18 marinas et 3.000 emplacements.

L’agitation redouble dans la salle lorsque le cadre anglo-saxon assure que l’entreprise va voir ce qu’elle « peut faire pour la ville » de quelque 43.000 habitants dans le cadre de ses « projets caritatifs ». « On n’en veut pas de votre charité ! », s’indignent plusieurs habitants.

L’évocation d’un « impact local » annuel positif qui représenterait selon IGY Marinas cinq millions d’euros n’est « que du vent », estime encore une partie de la salle, tandis que l’autre applaudit.

Interrogés sur le tarif des anneaux qu’ils vont facturer à leurs clients après avoir versé une redevance de 250.000 euros les deux premières années au port (puis 500.000), les dirigeants ne fournissent pas de réponse, se contentant de dire que « Sète n’est pas Saint-Tropez ou Monaco ».

« Il faut savoir ce que l’on veut », souligne un jeune Sétois. « Ici il n’y a pas de boulot et ce projet peut créer des emplois ».

« Ca va profiter à tout le monde », assure un avitailleur, évoquant la possibilité de fournir les yachts XXL en fleurs ou en fruits de mer.

Jean-Luc Gibelin, vice-président de la région Occitanie, conclut la réunion avec prudence: « Nous allons continuer cette phase d’écoute, le Conseil régional n’a pas pris de décision ». Sète figure pourtant déjà sur le site internet de IGY Marinas.

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